Claire compréhension du domaine (suite)

Les yogis qui pratiquent conformément au Mahāsatipaṭṭhāna sutta pratiquent ardemment, attentivement et avec claire compréhension. Ils doivent donc dans un premier temps être attentifs à tous les objets présents, et dans un second temps les comprendre clairement. La troisième claire compréhension est celle du domaine (gocara sampajaññā). Gocara, c’est la pâture, et par extension, tout endroit où le moine se rend pour quêter sa nourriture, emmenant avec lui sa méditation.

Le premier type de moine emmène sa méditation au village mais ne la ramène pas au monastère.

Le second type de moine ne l’emmène pas au village mais la ramène ensuite avec lui. Selon le commentaire en effet, la caloricité ou le feu né du kamma est très forte chez certains et s’attaque aux éléments dérivés du corps (la nourriture) au moment de la digestion. Les bouddhistes croient que ces personnes ont une bonne digestion grâce aux bonnes actions accomplies dans le passé. Mais, lorsque l’estomac de ces personnes est vide, cette caloricité (ou ces sucs digestifs) s’attaque aux parois de l’estomac. Ce type de moine se lève donc le ventre vide, avec une grande chaleur dans l’estomac et de la transpiration, voire des tremblements dans tout le corps. Il ne parvient pas à méditer, accomplit à toute vitesse ses corvées au monastère, se rend au temple et puis au village pour quêter sa nourriture.  Il reçoit du gruau et se rend au réfectoire des moines du village. Après deux ou trois bouchées, les sucs cessent d’attaquer les parois de son estomac et s’attaquent à la nourriture. Apaisé, il peut commencer à pratiquer l’attention. Il lave ensuite son bol, s’assied, et médite. Selon le commentaire, beaucoup de moines de ce type ont atteint le stade d’arhat du temps du Buddha et il n’est pas un réfectoire monastique de village au Sri Lanka où un moine de ce type ne soit devenu arhat.

Le troisième type de moine n’emmène sa méditation avec lui ni à l’aller, ni au retour. C’est un bon vivant qui vit dans l’insouciance, la négligence et l’indolence. Il s’est débarrassé du joug, a abandonné ses devoirs, y compris par rapport aux aînés et aux autres moines. Il est spirituellement figé par cinq liens ou épines de l’esprit : l’attachement aux objets sensuels, à son propre ego, aux autres, l’excès de nourriture et la paresse insouciante ou le désir de reprendre naissance dans le plan des devā. Quand il quête sa nourriture, il semble avoir perdu tout intérêt pour la méditation et ne même plus savoir ce que c’est. Il erre de ci, de là, en compagnie inappropriée et sort du village comme une personne vide. Cette attitude était honteuse du temps du Buddha comme aujourd’hui.

Le quatrième type de moine emmène sa méditation au village et la ramène au monastère. Sa compréhension du domaine est parfaite et intacte. Cette observance s’apparente aux dhutaṅga, les austérités. Les moines qui en font vœu, individuellement ou en groupe, sont attentifs dans toutes leurs activités tout au long de la journée. Pour les méditants inattentifs, il y a beaucoup de pièges, surtout au moment de quêter la nourriture. Les moines qui s’y engagent en groupe passent ce type d’accord : « amis, vous avez renoncé au monde non parce que vous étiez poursuivis par des créditeurs, ou par peur d’un châtiment du Roi ou parce qu’il vous était difficile d’assurer votre subsistance matérielle, mais parce que vous vouliez atteindre l’illumination dans cette vie même. Il faudra donc que toute impureté qui se manifeste pendant la marche, en étant debout, en étant assis ou en étant allongé soit contrôlée pendant la marche, en étant debout, en étant assis ou en étant allongé respectivement ». Il s’agit de se débarrasser directement de toute impureté mentale qui apparaît, sans l’autoriser à se prolonger dans la posture suivante.  Les moines qui se mettent en file pour quêter leur nourriture pratiquent ainsi et, s’ils ne parviennent pas à éliminer une impureté apparue, ils s’arrêtent, obligeant les moines derrière eux à s’arrêter aussi. Le moine chez qui cette impureté est apparue, de la colère ou de l’anxiété par exemple, se dit que le moine derrière lui sait qu’une impureté est apparue dans son esprit, et que ce n’est pas très flatteur. Il redouble d’effort et peut-être atteint ainsi l’illumination. S’il ne parvient pas à éliminer l’impureté, il s’assied et le moine qui le suit doit s’asseoir aussi.  Ces types de moines ne lèvent pas un pied sans être attentifs. Nous devons faire de même.  Ces moines qui pratiquent l’observance utilisent diverses méthodes pour parvenir à leurs fins. Le commentaire en donne quatre exemples que nous verrons la prochaine fois.

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