Corps et ressentis ne sont pas le soi

L’agrégat du corps est ingérable et mène à l’affliction (āpadāya saṃvattati). Sa nature peut être découverte pendant la pratique. Il faut noter les postures de façon attentive et non distraitement comme les animaux qui savent aussi qu’ils marchent quand ils marchent. Comme nous restons longtemps dans une même posture avec les membres repliés, des désagréments apparaissent. En temps ordinaire, nous changeons inconsciemment de posture mais le yogi doit chercher à capter chaque état d’esprit qui apparaît, comme l’intention de bouger. Il se déplace lentement pour aiguiser sa concentration et être en mesure de suivre l’intense activité mentale. Il tente de supporter l’inconfort et ne change de posture qu’en situation de détresse, tout en maintenant la continuité de l’attention. La nature oppressive des phénomènes corporels (dukkha) est ainsi révélée. Il ne peut s’agir du soi (anatta) car ils répondent à leurs propres causes sans se plier à notre volonté. Le yogi ne choisit pas le moment où il doit aller aux toilettes. Il aimerait rester propre mais transpire. Du mucus, du phlegme ou des larmes apparaissent et parfois il est obligé de tousser. Il doit nourrir et hydrater son corps. Enfin, il aimerait ne pas vieillir ou tomber malade et peut mourir à tout moment. Les gens ordinaires le savent aussi, mais seule une attention spéciale permet d’éprouver cette nature oppressante des phénomènes physiques à chaque instant. Il ne s’agit que de quelques exemples. Les buddhā et arhats ont compris à 100% la nature oppressive du corps et ils n’en veulent plus.

Vedanā bhikkhave anatta, les ressentis ne sont pas le soi. Nous aimons éprouver des objets plaisants, ressentir une brise fraîche par temps chaud, nous emmitoufler dans une couverture par temps froid ou étirer nos membres endoloris. Si nous sommes peu attentifs, nous dirons : « je ressens une sensation agréable ». Les personnes ordinaires les recherchent toute leur vie en investissant beaucoup de temps et d’énergie, et elles souffrent pour cette raison.

Nous n’aimons pas les sensations désagréables. Les personnes ordinaires s’y identifient et cherchent à les éviter toute leur vie, jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de leur échapper. Les buddhā et arhats les ressentent mais n’en souffrent pas mentalement.

Il existe aussi des ressentis mentaux plaisants ou déplaisants comme des pensées. Une personne ordinaire peut se réjouir d’aller au spectacle, au restaurant, de se parfumer. Si une pensée désespérante lui apparaît, elle croira que c’est elle qui se sent mal.

Il existe enfin des ressentis neutres au contact d’objets de la vie de tous les jours que nous percevons aussi comme nôtres mais qui ne nous satisfont pas. Nous voulons toujours plus d’expériences agréables.

Les yogis se concentrent sur l’endroit où la douleur se manifeste. Le phénomène ne se confond pas avec la lourdeur, la dureté, un homme, une femme, un carré ou un triangle. Il s’agit de phénomènes qui apparaissent les uns à la suite des autres. Le yogi très concentré les voit disparaître comme s’il les sectionnait à chaque note mentale.

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