Grande compassion : pas de libération sans un buddha

Le Buddha a donc conçu une grande compassion pour les êtres percés de sept flèches. À présent, les yogis contemplent continuellement les nāma et rūpa qui apparaissent aux six portes des sens. En pratiquant l’attention, ils notent, éliminent et rejettent les empêchements (nīvaraṇā) : le désir sensuel (kāmacchanda), la malveillance et le découragement (byāpāda), la paresse pour noter et pratiquer (thīna-middha), l’agitation et le remord (uddhacca-kukkucca), le doute (vicikicchā). L’esprit est tranquillisé, stabilisé et purifié (cittavisuddhi) et le yogi distingue clairement nāma (l’esprit qui note) et rūpa (l’objet observé). Il élimine en partie le chagrin des vues fausses et la notion de « je ». Il perçoit clairement le début et la fin du phénomène noté à chaque instant, l’impermanence, la souffrance et le non-soi des phénomènes. Il développe les stades de connaissance jusqu’à l’atteinte du chemin (sotāpattimagga) et comprend définitivement qu’il n’y a rien hormis nāma et rūpa apparaissant et disparaissant sans cesse. Les vues fausses (micchādiṭṭhi) du soi et de la personnalité (atta et sakkāya diṭṭhi) sont complètement éliminées. Il ne doute plus du triple joyau et élimine vicikicchā. Le mauvais kamma susceptible de l’entraîner dans les plans de misère est éliminé. Nous devons pratiquer et encourager les autres à pratiquer pour éliminer ces flèches douloureuses enduites de poison. Au stade d’anāgāmi, kāmarāga et byāpāda sont éliminés. Au stade de l’arhat, rūparāga, arūparāga, māna et avijjā sont éliminés.

La compassion du Buddha envers tous les êtres est équilibrée. Il accorde le même degré de compassion à son fils Rāhula qu’à Devadatta, même si ce dernier a cherché à attenter à sa vie en enivrant l’éléphant Nāḷāgiri et en l’envoyant écraser le Buddha. À cette occasion, le Buddha n’avait pas pris la fuite comme on le lui conseillait, mais avait rayonné sa compassion vers cet éléphant aux tendances féroces, le rendant doux et sobre. L’éléphant avait fait une révérence au Buddha et s’était abstenu depuis lors de causer du tort, observant les cinq préceptes.

Les buddhā ont vu que tous les êtres étaient pris dans les filets de taṇhā et emportés par ses flots, prenant du plaisir à voir, entendre, etc. Même s’ils voient de belles choses, leur soif n’est jamais assouvie. Taṇhā se produit incessamment dans tout ce que nous voyons, entendons, etc., à tout moment, dès le réveil. Elle cause un nombre infini de renaissances et les misères qui les accompagnent. Les êtres sont incapables de surmonter taṇhā. Le Dhammapada énonce : « dans ce monde, rares sont ceux qui voient clairement. Tout comme les oiseaux parvenant à s’échapper du filet sont rares, les êtres destinés à un état heureux sont rares ». Sans pratiquer la méditation, les êtres ne voient pas. Les personnes emportées par taṇhā, tout comme celles qui sont emportées par la rivière, se noient.

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