Impermanence et impersonnalité de la matière sous ses onze formes

Toutes les formes de la matérialité : passée, future, présente, intérieure, extérieure, grossière, subtile, inférieure, supérieure, éloignée, proche, ne sont ni miennes, ni « moi », ni « mon moi ». La véritable nature de la matérialité passée, même celle qui s’est produite il y a juste un instant, nous échappe déjà, car l’attachement intervient directement et l’objet est saisi comme un concept. La matérialité future aussi ne peut être appréhendée qu’hypothétiquement.

Le mahāsatipaṭṭhāna sutta précise que le yogi ne s’intéresse qu’à la matérialité présente, par exemple lorsqu’il va, il sait, « je vais », rien de plus, mais l’anattalakkhaṇa sutta instruit de contempler les trois types de matérialités dans le temps. En réalité, en observant l’impermanence des matérialités présentes, le yogi déduit l’impermanence des deux autres, comme il déduit l’impermanence des matérialités externes en observant les internes. Le Bhaddekarratta sutta précise que seul le présent doit être contemplé.

Le yogi qui observe toutes les matérialités : assis, soulèvement, abaissement, etc., de façon continue, observe que le soulèvement ne dure pas jusqu’à l’abaissement et disparaît la même où il est apparu. L’avancement du pied droit cesse avant celui du pied gauche. L’extension du bras est vue par le yogi très concentré comme une série de dissolutions rapides du bras. Cette véritable nature n’avait jamais été perçue jusque-là. Il en déduit que ces matérialités ne peuvent être à moi : netaṃ mama. Dans le Channa sutta aussi, Channa indique percevoir ces matérialités comme n’étant pas à soi, ce qui revient à observer les trois caractéristiques de l’impermanence, de la souffrance et du non-soi. Si on observe l’impermanence, on verra aussi qu’il n’y a pas de quoi s’enorgueillir: nesohamasmi (je ne suis pas ce corps). Les gens ordinaires pensent que les matérialités impliquées dans la vision se transforment en celles impliquées dans l’audition, que celles du passé persistent dans celle du futur, et ainsi de suite. Ce n’est en réalité pas le même « moi » qui voit, entend, etc. On sait par inférence que les matérialités du futur ne dureront pas le temps d’un clin d’œil. Ainsi, il n’y aura plus d’opportunité pour l’attachement par avidité, par vanité ou par les vues fausses.

Pourquoi le Buddha demande-t-il aux bhikkhū si les matérialités sont le soi, alors que les sotāpanna sont libérés selon le Visuddhimagga des trois types d’illusions par rapport au soi : diṭṭhi, saññā et citta vipallāsa. Mahasi propose trois solutions : ① le sīlavanta sutta indique que même les arhats méditent sur la nature du non-soi.

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