Instructions pour la retraite

Les instructions qui suivent proviennent de la lecture du mahāsatipaṭṭhāna sutta par U Sīlananda. Vipassanā consiste à observer tous les phénomènes qui se manifestent aux six portes des sens dans l’instant présent. Il faut trouver une posture confortable, le dos droit mais sans tension, que l’on peut garder longtemps. Il ne faut pas chercher à modifier la respiration, placer l’attention sur l’abdomen et observer le mouvement de soulèvement et d’abaissement du début à la fin, de la façon la plus rapprochée possible. On peut faire une note mentale pour stimuler l’énergie, mais si celle-ci gêne, on peut s’en passer. Il est important de ne pas observer la forme, mais la vraie réalité du mouvement, l’élément ‘air’.

Il ne faut pas penser au passé qui est révolu ni au futur qui n’existe pas encore. Il ne faut pas s’attacher au présent mais laisser passer. Si l’esprit s’envole, il faut seulement en être conscient et noter ‘vagabondage’. Si on est capable de capter la pensée, elle va disparaître, sinon, on risque d’être happé et entraîné loin de l’objet de méditation. Il ne faut pas se sentir coupable ou se faire des reproches.  Quand la pensée a disparu, on revient à l’objet primaire. La même chose vaut pour les sons, les souvenirs, les projets. On note ce qui est présent, sans juger. On note le processus, pas le contenu. Il faut essayer de ne manquer aucun objet. Si on oublie, on note ‘oublier’, si on spécule, analyse, juge, etc., on note ‘spéculer’, etc. Il ne faut rien ajouter de soi-même. Il s’agit d’une attention simple, mais intense.

Il est nécessaire aussi de capter les états mentaux, l’attachement, le désir, la contrariété, la colère, etc. de façon précise, ainsi disparaîtront-ils. Il faut être conscient même des activités minimes, comme avaler la salive ou le désir de se gratter. On note d’abord l’intention, on essaie d’être patient. Si on ne peut s’empêcher de bouger, on note tous les détails du mouvement. Pour les douleurs aussi, si la concentration est très forte, il est possible qu’elles disparaissent mais si elles sont intolérables, on peut bouger. Il faut noter aussi les engourdissements, les raideurs, la chaleur, le froid, etc. C’est vedanānupassanā. Il ne faut pas s’identifier aux ressentis mais les observer de loin comme un spectateur. Il faut observer l’abdomen le plus longtemps possible tout en étant conscient des autres objets. Il faut que l’observation soit synchronisée et démarre dès l’apparition de l’objet. Ainsi pourrons-nous le voir complètement. Il ne faut observer qu’un seul objet à la fois, sous peine de devenir agité. Si on hésite entre plusieurs objets, il faut en prendre un au hasard. Tant que nous sommes attentifs, nous sommes sur la bonne voie et il ne faut pas s’inquiéter si nous sommes accaparés par les douleurs par exemple.

Il ne faut pas nourrir d’attentes. Celles-ci sont utiles avant la retraite mais deviennent un empêchement pendant la méditation. C’est une forme subtile de désir, lequel, dans le bouddhisme, est réputé produire des effets néfastes. Il ne faut même pas attendre la concentration. Il ne faut pas voir les objets comme des ennemis ou des intrus, seulement les accepter. Il ne faut pas être tendu ou anxieux s’il n’y a pas de résultats.

Après l’assise, être attentif à toute la transition jusqu’à la piste de marche pour ne pas perdre la concentration. Faire des allers retours sur la piste et porter l’attention aux pieds. Lorsque le poids du corps passe sur l’autre pied, on peut observer l’ensemble du corps. La marche est l’occasion de ressentir les éléments : légèreté, lourdeur, tension, etc. Au bout de la piste, tourner lentement, contrôler le regard. Nous ne sommes pas obligés d’aller lentement au début. Quand l’esprit cesse de s’envoler, on va voir de plus en plus d’objets et ralentir naturellement. Il faut agir comme un malade qui va tout doucement, comme un aveugle et un sourd. Il ne faut pas s’intéresser au contenu aussi intriguant soit-il.

Il faut maintenir la continuité de l’attention pendant les activités générales, quand on entre ou sort, ouvre une porte, met ses chaussures, quand on mange, boit, fait la vaisselle, va à la salle de bain, etc. C’est à la fois pour ne pas perdre l’attention et parce que leur observation peut être très intéressante. Il y a en effet beaucoup de processus et de transitions dont nous n’avons d’habitude pas conscience : voir la nourriture, la prendre, l’amener à la bouche, toucher les lèvres, mâcher, avaler, goûter, etc. Il faut rester attentif à toutes les activités avant d’aller dormir et observer l’abdomen une fois allongé. Il faut essayer de capter le moment du réveil. Il faut éviter de parler et de rien faire qui puisse déconcentrer les autres yogis. En temps voulu, nous pénétrerons la véritable nature des phénomènes.

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