Karuṇā et Mahākaruṇā

Le Roi fût donc pris de repentance et déclara étrange qu’une flèche dépourvue de vie ressente les nobles qualités de Sāmāvatī là où lui-même en est incapable. Il demanda pardon à la reine, se déclara perplexe et vouloir chercher refuge en elle. Elle lui répondit de prendre plutôt refuge en le Buddha, ce qu’il fît. Il offrit le repas au Buddha et au Sangha 7 jours d’affilée et consentit au vœu de la reine d’offrir l’aumône tous les jours au Buddha par la suite. Cette histoire illustre donc l’un des avantages de mettā. Nous aussi devrions nous confier à mettā et à vipassanā en temps de difficultés.

Le second Brahma vihāra, karuṇā se traduit bien par pitié. Mettā se traduit par amour mais il faudrait le traduire par « souhait de rendre les autres heureux » pour ne pas le confondre avec rāga, le désir avide. Karuṇā est le souhait de libérer les autres de la souffrance ou de la misère. Le cœur, mû par la compassion, palpite. Mais ce sentiment supprime-t-il effectivement la souffrance ? Pas nécessairement, mais le souhait persiste. Karuṇā peut nuire à celui qui la développe en compromettant son propre bonheur comme ce médecin qui voulait toujours aider les patients, souffrait d’ulcères à répétition et mourut jeune où comme le Buddha dont la compassion était extraordinaire (Mahā karuṇā) et qui perfectionna ses pāramī au cours de 4 périodes incalculables et 100.000 cycles cosmiques depuis le moment où, en tant qu’ermite Sumedha, il avait fait le vœu d’imiter le Buddha Dipankara, réalisant que rares étaient ceux qui, comme lui-même, possédaient des qualités de foi, énergie, attention, concentration et sagesse aussi perfectionnées que lui, et donc susceptibles de devenir Buddha. Il aurait pu à ce moment, ayant déjà développé les abhiñña, devenir arhat sur simple écoute d’un discours du Buddha Dipankara, mais sacrifia son salut pour sauver d’innombrables êtres. (Ceci est raconté dans la Chronique des Buddhā). Ainsi, dans sa dernière existence humaine avant d’être Buddha, il avait été le roi Vessantara qui fut exilé par ses sujets pour avoir offert le trésor national des éléphants blancs aux autres royaumes. Il offrit même ses propres enfants à un méchant brahmane ce qui a dû lui causer des peines terribles. Ce vœu de devenir Buddha l’obligea aussi à reprendre plusieurs fois naissance comme animal, car son mauvais kamma accumulé continuait de constituer une menace. Il fût ainsi notamment un singe, un paon, un cochon, un éléphant, une caille et un poisson. Le Temiya Jātaka raconte comment, en raison d’un jugement inique qu’il avait lui-même prononcé, il dut renaître en enfer. Tout cela résulte donc de son souhait de venir en aide aux autres.

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