La claire compréhension au moment du repas

Il faut considérer sagement la nourriture et s’assurer qu’elle n’augmentera pas les mauvaises consciences (akusala) et ne diminuera pas les bonnes (kusala). C’est la claire compréhension de ce qui est approprié. Il faut ensuite être attentif en mangeant, buvant, mâchant, avalant, etc., ainsi développons-nous la claire compréhension du domaine. Le yogi peut penser que ces instructions sont trop détaillées ou qu’elles ont été inventées par un professeur contemporain. Mais le commentaire explique déjà que tous ces actes sont dépourvus de soi : la diffusion du processus d’oscillation causée par un processus mental amène le mouvement des mains qui façonnent des boulettes de nourriture et les posent dans la bouche. La bouche s’ouvre et la nourriture est pilonnée par la mâchoire supérieure et broyée par l’inférieure qui agit comme un mortier. La langue s’active en rassemblant la nourriture. Celle-ci s’enduit de salive fine présente au bout de la langue et de salive épaisse à la racine de la langue. Le commentaire explique le processus en fonction de six éléments : ① l’air produit le mouvement vers le haut et d’un côté à l’autre de la bouche, il pousse la nourriture vers le bas dans l’intestin ② la terre presse la nourriture, la tourne dans la bouche, la pulvérise et la débarrasse de son humidité, ③ l’eau humidifie, ④ le feu la mûrit et ramollit, ⑤ l’espace est le canal par où elle passe et ⑥ l’esprit en a une conscience précise. Avec la claire compréhension de la non-illusion, nous comprenons que les hommes comme les femmes ne sont jamais composés que de ces éléments.

Le Visuddhimagga explique que nous pouvons parvenir à cette compréhension en contemplant le caractère repoussant de la nourriture, de dix façons différentes : ❶ il faut se fatiguer beaucoup pour obtenir cette nourriture, ❷ il faut la mendier et parfois endurer des insultes, ❸ son aspect attirant est détruit dès que les mains commencent à la malaxer, ❹ les différentes humeurs du corps s’y mélangent, ❺ le réceptacle de l’estomac n’a jamais été lavé, ❻ la nourriture non-digérée dans l’estomac se mélange à la nouvelle, est enrobée de phlegme et devient immonde, ❼ la nourriture digérée se transforme en fèces, ❽ une bonne digestion amène la croissance des cheveux, ongles, dents et autres immondices, une mauvaise digestion cause toutes sortes de maladies, ❾ la nourriture entre par une porte, son résidu sort par neuf portes sous forme de cérumen, de mucus, de transpiration, etc., en une seule nuit. Nous aimons manger avec d’autres mais cherchons la discrétion pour déféquer. ❿ Tout se salit au contact de la nourriture : la vaisselle, les mains, etc.

Cette contemplation ressortit de samatha. Comprendre qu’il n’y a pas d’ego dans ces processus ressortit de vipassanā. Selon Mahasi, il est possible de voir le caractère déplaisant de la nourriture sans passer par ces dix pratiques de samatha. À l’entretien, certains yogis expliquent n’avoir plus du tout envie de manger, c’est la claire compréhension de la non-illusion.

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