La compassion (suite 2)

Karuṇā ne peut être effective que si nous ressentons une véritable compassion pour les êtres qui souffrent et visualisons leurs souffrances. Nous pouvons comprendre à quel point les êtres méritent la pitié en imaginant la façon dont le Buddha a développé sa faculté spéciale de Mahākaruṇā. Le Paṭisambhidamagga précise que six compétences sont propres aux seuls buddhā : ❶ Indriyaparopariyattañāṇa (connaître pour chacun le degré de développement des cinq facultés menant à la libération saddhā, viriya, sati, samādhi et paññā) ❷ Āsayānusayañāṇa (voir quelles tendances cachées – anusayā kilesā  – sont susceptibles de se développer chez les êtres) ❸ Yamakapāṭihīrañāṇa (accomplir un double miracle) ❹ mahākaruṇāsamāpattiñāṇa (grande compassion) ❺ sabbaññutañāṇa (omniscience) ❻ anāvaraṇañaṇa (connaissance qui élimine les empêchements sur le chemin).

La plupart des gens ne perçoivent la misère chez les autres que lorsqu’elle devient vraiment évidente. S’ils sont plutôt heureux, ils penseront que les autres sont aussi heureux que lui voire plus heureux encore et ne penseront pas qu’ils méritent sa compassion. Cela témoigne d’un manque de compassion. Le Buddha à l’inverse a vu que les êtres devaient constamment s’inquiéter et lutter pour maintenir leurs agrégats. Les êtres ordinaires pensent qu’il est normal de devoir assurer sa subsistance et qu’il ne sert à rien de se plaindre. Mais pour les buddhā, la vie est une misère : le petit enfant dépend entièrement des autres, l’enfant doit aller à l’école, l’adulte doit travailler et si l’infortune le frappe ou si sa santé se détériore, il sera misérable. Toute leur vie, les êtres sont exposés au danger et, même s’ils y échappent, ils doivent finalement vieillir, tomber malades et mourir.

Les animaux ont dur à trouver nourriture ou abri. Ils n’ont pas de protection et certains ne sortent que la nuit. Les êtres des enfers et les petā sont constamment soumis à des visions, sons et odeurs horribles. Certains devā, les yakkhā, sont presque aussi misérables que les petā ou les vinipātikā. D’autres connaissent le bonheur mais, une fois leur bon kamma épuisé, ils meurent.

Le Buddha réalisa que nul ne pouvait mener ces êtres vers le nibbāna si ce n’est lui-même. Il a enseigné 45 ans à raison de 20 heures par jour, dormant très peu et sacrifiant son propre bonheur. Il enseigna encore à Subhadda sur son lit de mort. Nous pouvons rayonner karuṇā à l’instar du Buddha et ressentir de la révérence pour lui.

Le Buddha a vu que les êtres étaient menés inéluctablement vers la mort (upanīyati loko addhuvo) par les agrégats et étaient victimes de l’impermanence. Même s’ils le savent théoriquement pourtant, les êtres continuent d’imaginer qu’ils pourront maintenir leur jeunesse. De nouveaux phénomènes matériels et mentaux apparaissent constamment. Nous vieillissons lentement même si les signes du dépérissement ne deviennent très visibles que vers 50 ou 60 ans.

Nous nous aimons plus que tout autre et comme tous les autres, nous sommes soumis à saṅkhāra dukkha. Nous devrions donc ressentir de la compassion pour les autres et pratiquer vipassanā.

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