La compassion

Brahmavihāra signifie noble demeure ou vie noble. Il y en a quatre : mettā (l’amitié, l’amour bienveillant), karuṇā (la compassion), muditā (se réjouir du succès des autres) et upekkhā (l’équanimité ou l’indifférence à la douleur ou au plaisir).

Karuṇā est le souhait de voir les personnes en difficultés libérées de leurs misères. Les personnes dont l’esprit est noble, les yogis, ressentent de la pitié en voyant quelqu’un souffrir et souhaitent se sacrifier pour cette personne. Une personne sans empathie n’est pas vertueuse et même mauvaise. Même si la compassion n’a pas le pouvoir d’éliminer la souffrance des autres, celui qui en est habité en a le sentiment. Un autre aspect de karuṇā est qu’elle empêche le bonheur de celui qui en est habité dans la mesure où celui-ci donne la priorité aux autres. Parfois il en perd le sommeil, se fatigue à la tâche comme les médecins ou attrape les maladies de ceux qu’il soigne. Le bodhisatta quant à lui était habité de mahākaruṇā. Alors qu’il était encore l’ermite Sumedha, il fit le vœu de devenir bodhisatta. Il savait qu’il disposait des cinq bala (saddhā, viriya, sati, samādhi et paññā) qui lui auraient permis de connaître le Dhamma et que la plupart des gens n’en disposent pas.  Il pensa que réaliser nibbāna ici et maintenant ne profiterait qu’à lui seul alors qu’imiter le Buddha Dipankara serait d’un bien plus grand bénéfice (ainsi que le relate la Chronique des Buddhā). Dipankara prédit alors sa future bouddhéité. Pendant quatre ères incalculables et 100.000 ères cosmiques, il perfectionna ses vertus. Alors qu’il était le roi Vessantara dans l’une de ses dernières vies, il disparut dans la forêt, chassé de son royaume pour avoir dilapidé les biens de l’État. Il accéda à la demande du méchant brahmane Jujaka et lui donna ses enfants, afin de ne pas rompre son vœu de générosité parfaite, même si cela impliquait pour lui-même une souffrance terrible. Pendant sa longue carrière de bodhisatta, le Buddha n’était pas à l’abri de mauvais kamma passés, et prit naissance comme singe, éléphant, paon et poisson notamment. Le Temiya Jātaka raconte comment il dut reprendre naissance en enfer en vertu d’un jugement inique qu’il avait prononcé dans une précédente vie et de la peine cruelle qu’il avait imposée. Il a enduré tout cela car il savait que les êtres souhaitent échapper à la souffrance, la vieillesse, la maladie et la mort mais ne peuvent le faire si personne ne leur indique le chemin. Karuṇā sevitabbā bhāvitabbā (karuṇā devrait être pratiqué et développé) Même si nous ne pratiquons pas karuṇā bhāvanā, nous devrions ressentir de la pitié et acquérir ainsi des mérites. Le vibhaṅga recommande de diriger d’abord sa compassion vers les êtres misérables, isolés, malades chroniques et sans accès aux soins, car c’est plus facile. Vipassanā et les actes méritoires sont le seul chemin vers la libération.

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