La croyance fausse au Soi

Selon les tenants de la croyance au soi, tous les êtres ont une âme individuelle (jīva atta), segment du grand Soi (parama atta), qui emplit le monde pour certains et réside dans des demeures célestes pour d’autres. Le Brahmajāla sutta explique comment cette vue fausse a vu le jour : un système monde prend fin après un nombre incalculable d’années. Les êtres renaissent alors dans un plan de brahmā resplendissants (ābhassara), composés d’esprit jhanique, se nourrissant de joie (pīti) et se maintiennent dans la gloire très longtemps. Un jour néanmoins, un nouveau monde apparaît. Il contient un plan de brahmā où apparaît bientôt Brahmā, qui se croit tout puissant, invincible, libre de réaliser tous ses vœux, créateur des êtres et leur assignant leur place. Les autres brahmā apparus après lui le croient tel aussi et, s’ils reprennent naissance dans le plan humain, répandent ce faux bruit sur terre. Ainsi est née la doctrine de parama atta. En réalité, Brahmā a la même nature que les autres êtres vivants, un flux de processus psychophysiques. Il est mortel et ne peut accomplir tous ses vœux.

Les nihilistes croient en une âme qui s’anéantit à la mort (uccheda diṭṭhi). Les éternalistes croient que le corps est composé d’une partie grossière détruite à la mort et d’une partie subtile qui survit intacte dans un autre corps après la mort (sassata diṭṭhi). Parmi les bouddhistes, beaucoup croient qu’une entité vivante quitte le corps par la bouche ou le nez après la mort et entre dans la mère à la conception. En réalité, c’est l’attachement qui cause la renaissance. L’objet de la dernière conscience de liaison du mourant est un acte passé (kamma), le signe d’un acte passé (kammanimitta) ou le signe de la destinée (gatinimitta). Une conscience passive (bhavaṅga) apparait qui persistera tout au long de la nouvelle existence. La longévité dépendra de l’énergie du kamma positif initial. Ensuite, lorsqu’un objet sensuel se présentera à l’une des portes des sens, bhavaṅga sera remplacé par une conscience sensorielle.

Contrairement à ce que pensent certains, voir une forme ou un concept (paññatti) se désintégrer sous son aspect moléculaire ne suffit pas à évacuer la vue fausse de l’ego. Il faut cesser de croire en l’existence d’un atta chez les êtres ou les dieux. Certains puthujjana arūpa brahmā dépourvus de corps se perçoivent comme pourvus d’une forme matérielle. Ils ne sont pas libres de la vue fausse du soi.

L’Anattalakkhaṇasutta a été prêché à cinq sotāpanna qui avaient déjà abandonné la croyance fausse en un soi (sakkāya diṭṭhi), le doute (vicikicchā) et la croyance en l’efficacité de fausses pratiques (sīlabbata-parāmāsa), mais n’étaient pas libérés d’une forme de vanité (asmimāna) pour des qualités qu’ils possédaient réellement. Le discours a été délivré spécialement pour contrer la croyance en une entité vivante à l’intérieur de nous qui contrôle nos actions (sāmi atta).

Les yogis doivent vérifier si les objets qu’ils observent ont un atta. Ces objets procèdent du désir et de l’attachement. Lorsque ceux-ci seront éliminés, les objets n’apparaîtront plus.

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