La grande compassion : nos possessions seront perdues

Les buddhā ressentent une grande compassion pour tous les êtres, car ils ne possèdent en réalité rien en propre. On reconnaît communément une forme de propriété à tous, même les pauvres et les moines possèdent un petit quelque chose. Toutes les propriétés rencontrent finalement la destruction (sampatti vipattiparoyisānā). La maladie l’emporte sur la santé, la vieillesse sur la jeunesse, même si l’on possède richesses, honneurs, réputation, une suite de gens, tout se perd finalement, comme l’illustre la vie d’Asoka dont l’empire, vers 270 avant notre ère, s’étendait sur toute l’Inde. Il était un dictateur bienveillant et excessivement riche. Il avait fait le vœu de parvenir à offrir au Sangha 1000 millions et pour ce faire, offrait tous les jours au monastère Kukkutarama le plateau et la vaisselle en or qu’on lui servait pour son repas. Alors que ses forces s’amenuisaient vers la fin de sa vie, ses ministres et généraux commencèrent à lui manquer de respect, cherchant à l’empêcher de dilapider la fortune, ils lui servirent un plateau en argent et de la vaisselle en terre cuite. Le grand roi réunit alors son conseil et demanda qui régnait sur ce royaume puis s’exclama : « mon royaume se réduit désormais à cette demi-prune pierreuse que ma main parvient encore à atteindre, le Buddha avait raison : les êtres n’ont pas de biens propres, toutes les réalisations finissent dans la destruction ».

Les maisons, les voitures, le corps, tout doit être quitté. Dans le Kāma sutta, les objets des sens sont comparés à des rêves. Le goût de la nourriture sur la langue ne dure qu’un instant, une fois avalée la nourriture, il n’en reste rien. Il en va de même du toucher même s’il nous semble pouvoir en profiter. Les plaisirs sensuels sont également comparés à un emprunt dans ce sutta. Tôt ou tard, il faut les rendre. Les possessions peuvent nous être arrachées par une calamité. Nous nous réjouissons de nos maisons, terres, amis, femmes, maris, de notre corps, de notre nez, etc. mais nous devons comprendre la séparation et l’impermanence. C’est pourquoi, dans la méditation, nous décomposons les objets. Même l’esprit n’est pas unique. Les consciences se succèdent différentes à chaque fois. Ce n’est pas compact. Il y a beaucoup de petits états mentaux. Il n’y a pas de noyau. C’est anatta.

La concentration permet de voir les choses distinctement, séparément. Elles apparaissent par paires : l’abdomen et l’esprit qui note, ou l’attention et le soulèvement, etc. Ensuite on perçoit la conditionnalité : du fait de l’intention de s’asseoir, on s’assied, etc. On voit ensuite les apparitions et disparitions. On comprend l’oppression. On voit les trois caractéristiques. Sans cela, on considère toujours qu’il s’agit de ma jambe, de ma sensation, etc.

Les êtres qui cherchent à posséder et à conserver des biens pour eux-mêmes vivent dans la misère du corps et de l’esprit et méritent la pitié. Nous pouvons développer karuṇā comme le Buddha.

Page précédente