La méditation en marche

En retraite, nous pratiquons l’attention aux quatre postures, sans interruption. On ne peut rester assis tout le temps, c’est pourquoi nous alternons avec des séances de marche.

Le débutant devra au début ralentir un peu le mouvement et faire une seule note par pas : « marcher » ou « droite, gauche ». Après un ou deux jours, l’instructeur lui dira de noter deux phases par pas : « marcher, déposer », puis trois : « lever, avancer, baisser » et puis de leur ajouter encore « toucher » ou « presser ». Il faut observer précisément et noter.

Au début, le yogi n’arrive pas à ralentir, mais cela viendra automatiquement, comme un automobiliste qui ralentit naturellement sur l’autoroute s’il veut lire un panneau. Au début, même en ralentissant l’allure, l’objet restera imprécis et le yogi aura l’impression d’un mouvement continu. Plus tard il verra clairement que le lever du pied ne se fond pas dans l’avancer. Plus il pratique, plus il verra.

Il expérimentera aussi de la légèreté au moment de lever le pied. Il voit alors directement la nature réelle de la matière au-delà des concepts. La légèreté est un des aspects de l’élément feu. Le mouvement, un des aspects de l’élément air, peut aussi être expérimenté au lever du pied, mais il est moins prédominant que le feu. Il prédomine en revanche au moment d’avancer le pied. L’élément eau prédomine au moment de le baisser et le yogi ressent de la lourdeur. Couler goutte à goutte ou suinter sont d’autres aspects de l’élément eau. L’élément terre prédomine quand il presse le pied au sol et le yogi ressent de la dureté ou de la douceur.

Le mouvement est suivi immédiatement par la conscience du mouvement. L’esprit et la matière forment une paire. Il y a différents moments de conscience (nāma). Le yogi découvre aussi le rôle de l’intention. S’il lève le pied, c’est parce qu’il veut le faire. Il comprend la nature conditionnée de tous ces mouvements. Ils n’existent pas par hasard et ne sont créés par une autorité ou un dieu.

Si la méditation est puissante, le yogi peut voir les apparitions et disparitions en observant les pas. Il voit par lui-même l’impermanence des phénomènes physiques et mentaux et en déduit aussi leur caractère insatisfaisant et incontrôlable (anatta). L’impermanence est voilée par l’illusion de la continuité, qui peut être brisée par l’observation segment par segment. Le yogi comprend que rien ne mérite le désir ou l’attachement. Ce que nous aimions tant ne cesse de se désintégrer. Comme une peinture vue au microscope, remplie d’espaces vides, perd tout attrait. Les scientifiques ont vu que la matière n’est qu’une vibration d’énergie en changement perpétuel.

Nous méditons pour éliminer l’attachement, et cesser de souffrir. Tant que nous n’aurons pas cette expérience directe des trois caractéristiques, nous aurons beau lire et discuter de la doctrine, nous ne parviendrons pas au but. La pratique de la marche permet tout autant de percer la réalité des phénomènes que les autres pratiques.

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