La purification des vues et celle de la victoire sur le doute

Hier nous avons vu cittavisuddhi, qui relève de la pratique de samatha. Aujourd’hui, nous allons voir diṭṭhivisuddhi, la purification des vues, qui est le domaine de vipassanā. Lakkhaṇarasapaccupaṭṭhānapadaṭṭhānavasena nāmarūpa pariggaho diṭṭhivisuddhi nāma (la purification des vues est le discernement du corps et de l’esprit du point de vue de leurs caractéristiques, fonctions, manifestations et causes proches). On parle de purification des vues car on se débarrasse de la vue fausse du soi en observant les composés psychophysiques qui apparaissent de façon interdépendante, sans qu’un soi à l’intérieur ou par derrière les contrôlerait.

Lorsque la concentration est renforcée, on voit clairement le corps et l’esprit. On appelle cela nāmarūpaparicchedañāṇa dans l’Abhidhammatthasaṅgaha. Dans le Visuddhimagga, on parle de nāmarūpavavatthānañāṇa. Pariccheda et vavatthāna signifient « distinguer ».

En observant la respiration, l’esprit devient calme et concentré et, en même temps, on commence à voir clairement l’air qui entre et sort, comme une vague. On voit les signes ou les caractéristiques (lakkhaṇa) de l’air, au-delà du concept, le mouvement.

On voit aussi parfois le corps se mouvoir, la tête, une main, la posture assise, la marche, etc. C’est la fonction (rasa) de l’air.

Vāyo vitthambhanalakkhaṇo, samudīraṇaraso, abhinīhārapaccupaṭṭhāno. Abhinīhāra signifie se rapprocher. C’est la manifestation de l’air (paccupaṭṭhāna). Il faut observer cela. La méditation est un atelier, une investigation de soi-même.

Padaṭṭhāna, c’est la cause proche. Pour l’élément air, les trois autres éléments constituent la cause proche, sans lesquels l’air ne pourrait exister. Lorsque l’on respire, les sensations varient à chaque inspir et expir. Les qualités de chaleur et de froid ressortissent de tejo, la température. Tout dans l’univers est constitué de quatre éléments (dhātu), y compris nous-mêmes, la terre (paṭhavi), l’eau (āpo), le feu (tejo), l’air (vāyo). La terre a deux qualités : la dureté et la mollesse. Ainsi, dans notre corps, les os et les dents sont durs, la chair est molle. La majeure partie du corps est constituée des éléments terre et eau (salive, sang, urine, etc.). L’air nous permet de faire toutes sortes de choses, jouer au foot, prendre l’avion, bouger les bras, etc. Sans air nous ne pourrions rien faire. Quand on pratique vipassanā, on réalise que l’on est, comme tout dans l’univers, composé des quatre éléments. En observant le souffle, on voit l’élément air. Mais en observant à fond, après 10 ou 15 minutes, on peut percevoir aussi l’élément tejo, le chaud et le froid. Sans tejo, la température, l’élément air ne peut fonctionner correctement. Par ailleurs, le souffle est parfois fort et parfois faible, c’est la caractéristique de la dureté et de la mollesse qui ressortissent de l’élément terre. En hiver, en respirant à l’extérieur, on voit l’élément eau s’échapper de notre bouche sous forme de vapeur. Si l’élément air est le leader, les trois autres éléments constituent une cause proche. Ces éléments sont impermanents, apparaissent puis disparaissent tour à tour (anicca). Ils ne sont contrôlés par personne (anatta). Ils sont douloureux (dukkha). En méditation on observe ces trois caractéristiques, la véritable nature des choses.

Tesameva ca nāmarūpānaṃ paccayapariggaho kaṅkhāvitaraṇavisuddhi nāma (la purification par la victoire sur le doute est le discernement des conditions de ce même complexe psychophysique) On élimine le doute par rapport à une cause extérieure à la loi de causes et d’effets. Cela ressemble à la théorie de la relativité d’Einstein. On réalise que dans l’instant présent, il y a les quatre éléments. On se rend compte qu’il en est allé de même dans le passé et qu’il en ira de même dans le futur. Nous sommes conditionnés par les quatre éléments qui roulent incessamment en dehors de tout contrôle.

Même si nous n’en avons pas encore fait l’expérience, nous devons garder confiance en nous. Cela dépend des efforts accomplis dans le passé. Le fait que nous soyons ici prouve que nous avons déjà accompli des efforts dans le passé. Il faut donc garder la confiance en notre succès final.

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