La purification par la connaissance et la vision du chemin

Hier, nous avons vu le stade de la connaissance des apparitions et disparitions (udayabbayañāṇa), dans leur phase tendre et mature. Lors de la phase tendre, le yogi fait des expériences inhabituelles. L’attachement à ces expériences est une corruption de vipassanā. S’il comprend que ces expériences ne sont pas la voie, il atteint le stade de maturité d’udayabbayañāṇa.

Aujourd’hui, nous allons voir en quoi consiste le chemin proprement dit, que le yogi arpente désormais réellement. La purification par la connaissance et la vision du chemin (paṭipadā ñāṇa dassana visuddhi) comprend neuf connaissances: ❶ le stade de maturité d’udayabbayañāṇa. Le yogi observe tous les phénomènes physiques et mentaux à l’intérieur. Ils sont devenus très clairs. ❷ la connaissance de la dissolution (bhangañāṇa). La dissolution des phénomènes devient prédominante, les apparitions ne sont plus visibles. Tous les objets disparaissent instantanément, à peine notés, à l’assise comme à la marche ❸ le stade de la peur (bhayañāṇa). Devant toutes ces disparitions, le yogi prend peur. ❹ la connaissance du danger (ādīnavāñāṇa). Le yogi voit le danger partout, même pendant la marche, le repas, etc. Il peut même avoir l’impression que le sol se dérobe sous lui. Il n’est pas heureux ❺ La connaissance du désenchantement (nibbidāñāṇa). À ce stade, le yogi veut arrêter la méditation. Le Visuddhimagga raconte comment un pêcheur se réjouissait en sentant une prise dans son filet. Il tire à lui le filet et réalise qu’il s’agit d’un serpent. Sa joie se transforme en peur. Le yogi aussi est encore, aux stades antérieurs, très attachés à ses proches et à ses biens. Désormais, il voit que les phénomènes ne méritent pas qu’on s’y attache et s’en détache progressivement. ❻ la connaissance du désir de délivrance (muñcitukamyatāñāṇa). Dans l’histoire, cela correspond au pêcheur qui saisit le serpent par la tête pour s’en débarrasser et l’envoie au loin. ❼ la connaissance de la réobservation (paṭisaṅkhāñāṇa). Sur la nuque du serpent, le pêcheur voit trois marques qui correspondent à anicca, dukkha et anatta. Le méditant, lui, réexamine les phénomènes sous l’angle de l’impermanence, de l’insatisfaction et de l’incontrôlabilité. Ce stade est long et le méditant ne rencontre que des problèmes.

Lors de la mousson en 1970 à Yangon, j’ai participé à une retraite dans le centre de Mahasi Sayadaw. Cette retraite était réservée aux moines qui avaient passé le dhammacariya et avaient au moins trente ans. Au terme de la retraite, j’ai pu écouter la cassette qu’on faisait écouter à ceux qui avaient atteint les derniers stades du chemin vipassanā.

Pour parvenir aux stades les plus élevés du chemin de vipassanā, le méditant doit disposer des cinq puissances (bala): saddhā (la confiance en soi surtout), viriya, sati (une attention sans interruption), samādhi et paññā (investiguer tous les phénomènes, vérifier si l’enseignement est vrai). Lorsque ces bala sont puissants, les conditions sont fortement présentes pour la réalisation. Le méditant n’est déjà plus un méditant ordinaire. Il s’agit d’un kalyāṇa puthujjana.

❽ le stade de l’équanimité (saṅkhārupekkhāñāṇa) Le méditant observe tous les saṅkhāra. Il peut accueillir le positif comme le négatif, peut tout embrasser avec équanimité. Il constate qu’hormis les phénomènes qui apparaissent et disparaissent, il n’y a pas d’ego, que ces phénomènes amènent la souffrance. Il est mûr pour abandonner tant l’agréable que le désagréable. Cette équanimité persistera après la retraite aussi. Les gens ordinaires, y compris les présidents ou les millionnaires, dépriment voire se suicident lorsqu’ils perdent ce qu’ils ont acquis. Ils n’ont pas appris à faire face aux difficultés et à contrôler leur esprit. Il faut beaucoup de temps pour arriver à ce stade de saṅkhārupekkhāñāṇa, un, deux ou trois mois sans interruption, au minimum. ❾ le stade de la conformité à la vérité (anuloma).

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