Le bénéfice du renoncement par vipassanā

La concentration vipassanā, khaṇika samādhi ou concentration momentanée, résulte d’une observation pénétrante et ininterrompue de tous les phénomènes physiques et mentaux qui se manifestent à chaque instant à l’intérieur de soi, par les six portes sensorielles. L’esprit concentré voit la différence entre les phénomènes physiques et mentaux, il voit que ces phénomènes n’en finissent pas d’apparaître et de disparaître et qu’ils sont reliés par un lien de causalité. Le yogi va ainsi pouvoir comprendre les caractéristiques générales de tous les phénomènes: leur caractère impermanent, insatisfaisant et insubstantiel. L’attachement ou le désir ne peut apparaître dans l’esprit du yogi quand il est concentré.

Vipassanā kusala, l’action méritoire qui consiste à développer vipassanā, est donc appelée nekkhamma, c’est un acte de renoncement qui libère l’esprit du désir. Dans la vie ordinaire, les gens sont attachés aux plaisirs sensuels. Ils ne voient pas les défauts de kāmasukha, le bonheur qui s’enracine dans les plaisirs sensuels. S’ils ne pratiquent pas, ils n’expérimentent pas dhammasukha, le bonheur supérieur qu’amène la pratique de vipassanā, et restent bloqués dans les plaisirs sensuels.

Le désir sensuel, se manifeste aussi au cours de la pratique; les yogis espèrent et recherchent les connaissances vipassanā, si la méditation progresse, le yogi va faire des expériences intéressantes et agréables, pīti, la joie vipassanā, va se manifester; le yogi peut penser qu’il a atteint quelque chose d’exceptionnel et va avoir du désir pour ces expériences, ses annotations ne seront plus continues et sa méditation va se détériorer. Si le yogi n’a pas de désir dans l’esprit quand il expérimente ce type de sensation agréable, la conscience vipassanā va se manifester automatiquement et les annotations vont devenir ininterrompues.

C’est pour cela que kāmacchanda est un obstacle à la pratique du yogi. Vipassanā kusala, l’action méritoire qui consiste à développer vipassanā, est un niyyāna, un instrument qui va permettre au yogi de s’extraire de la souffrance. Kāmacchanda va bloquer la pratique en empêchant le yogi de noter tous les objets qui se manifestent à chaque instant. Si le désir se manifeste dans l’esprit, il doit donc être éliminé. Il peut être éliminé en notant sans interruption tous les phénomènes qui se manifestent à chaque instant. Il y a donc deux attitudes possibles pour lutter contre cette maladie: prévenir et soigner. Le plus important est la prévention: comment empêcher l’apparition du désir sensuel? En maintenant l’attention ininterrompue pendant la méditation, le yogi garde son esprit et le protège contre l’intrusion de kāmacchanda.