Le processus des consciences dans la vision

Le yogi observe constamment les six portes sensorielles. Mais où se trouve, par exemple, la conscience visuelle ? Nulle part. Lorsque l’objet percute la rétine, trois consciences passives, bhavaṅga citta, vibrent, puis une conscience se tourne vers l’objet (āvajjana), suivie de la conscience visuelle proprement dite (cakkhu viññāṇa). Il s’agit d’une conscience résultante (vipaka citta), fruit de nos actions passées. On ne blâme donc personne si l’objet est déplaisant et on se remercie soi-même s’il est plaisant. Il s’agit d’une conscience très faible. Vient ensuite la réception (sampaṭicchana), l’investigation (santīraṇa) qui cherche à savoir si l’objet est désirable, indésirable ou neutre et la détermination (voṭṭhabbana) qui en décide. Ces consciences sont suivies de sept autres appelées impulsions (javana). Ici l’objet est vraiment expérimenté et du nouveau kamma est produit. Ces consciences s’accompagnent de divers facteurs mentaux : désir, ignorance, concentration, etc. Pour la plupart des gens, inattentifs, elles seront néfastes (akusala), mais si on est conscient de l’objet, si on incline vers le bien, on peut produire des impulsions positives (kusala javana). Viennent enfin deux consciences qui enregistrent les consciences précédentes (tadārammaṇa), après quoi reviennent les consciences passives (bhavaṅga).

Toutes ces subtilités de l’activité mentale impliquée dans une simple occurrence de la vision sont à peine perceptibles. Il y aurait des milliards de phases conscientes dans une seconde. Si nous lisons le mot « méditation » par exemple, nous devons lire chaque lettre séparément d’abord, ce qui implique plusieurs mouvements des yeux, puis les combiner en syllabes dont nous devons nous remémorer la prononciation, combiner les syllabes et enfin lire le mot. Absorbés par l’objet, nous ne percevons pas la subtilité de ces processus, que seul un Buddha peut saisir pleinement. Pour le méditant, l’idéal est de s’arrêter au stade de la détermination. Seule la connaissance vipassanā se développe alors. C’est le cas aux stades de bhanga et saṅkhārupekkhā ñāṇa.

Le Buddha instruit : « dans la vision, il n’y aura que le vu ». Lorsque l’attention est renforcée, on note « voir », sans jugement ou analyse. On perçoit qu’il n’y a que cinq agrégats. On ne voit plus l’objet comme plaisant, permanent et personnel. Mais pour cela, il faut le noter au moment où il apparaît. C’est plus facile avec l’audition qu’avec la vision.

Selon l’Abhidhamma, au moment même du contact sensoriel, le ressenti est encore neutre. Le sous-commentaire explique néanmoins que si l’objet est négatif, même si le ressenti est neutre, il possède déjà la nature du malheur. Au moment de la pratique, on capte vedanā. Si nous ne sommes pas attentifs, nous dirons : « j’ai mal » ou « je ne suis ni bien ni mal », etc. Dans la littérature indienne, on décrit un tel expérimentateur (vedaka-atta). Mais le Buddha a dit : « si vedanā était le soi, il ne nous affligerait pas et nous pourrions dire : « que mes ressentis soient ainsi ou ainsi » ». En réalité, si nous voulons des ressentis agréables, cela demande beaucoup de travail et d’entretien.

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