L’effort courageux

Que signifie le terme « yogi »? bhāvanāya yuttapayuttatāya yogī’ti. Un yogi est quelqu’un qui dispose de l’effort pour déployer le développement mental. Il ne s’agit pas d’un effort ordinaire. On l’appelle « effort courageux » car un yogi est prêt à le déployer quel qu’en soit le coût. On ne le possède pas au début. Il vient graduellement, surtout quand on commence à connaître les bénéfices de la pratique.

Le Mahāsatipaṭṭhāna sutta énumère sept bénéfices: ❶ La purification des êtres (il faut entendre purification de l’esprit, même si cette pratique favorise une bonne santé). Ce seul bénéfice justifierait déjà une pratique assidue. ❷ le dépassement de la douleur physique ❸ le dépassement de la détresse mentale ❹ la fin du chagrin ❺ la fin des lamentations (un chagrin tel qu’on ne parvient plus à le contrôler) ❻ l’atteinte du noble chemin ❼ la réalisation de nibbāna.

Le prix à payer pour la réalisation de ces bénéfices est le développement de ces trois niveaux d’effort: ① l’effort initial (venir au centre, écouter les instructions et les mettre en application. Ces instructions sont comme la prescription d’un médecin, sans les suivre, on ne peut en retirer les bénéfices) ② l’effort accru ③ l’effort progressif (qui augmente graduellement jusqu’à l’atteinte de nibbāna).

À l’assise, l’objet primaire est le soulèvement et l’abaissement de l’abdomen. Cet objet donne un ancrage à l’esprit. L’effort est nécessaire pour amener l’esprit à cet endroit. C’est la même chose pour le pied à la marche. L’effort est la force motrice qui nous pousse vers l’objet, primaire ou secondaire. Il procède de la conviction que cette pratique va nous bénéficier. Pour les bouddhistes traditionnels, il est facile d’avoir foi en le Buddha, le Dhamma et le Sangha. Ce n’est pas si évident pour les Occidentaux mais il faudrait au moins croire aux bénéfices potentiels de cette pratique, tout comme on peut croire qu’une graine plantée avec soin en un lieu propice nous donnera des fruits.

Pour qu’une plante grandisse, il faut l’enclore, l’arroser, ne pas trop tasser le sol et éliminer les insectes nuisibles. ❶ La clôture symbolise la moralité. On peut inclure dans la moralité le respect de l’horaire (alterner assise et marche permet d’équilibrer effort et concentration). ❷ L’arrosage symbolise l’écoute des enseignements (soit dit en passant, il n’est pas obligatoire de noter « entendre » pendant l’enseignement. On peut prendre des notes dans un carnet. Une instruction dont nous ne comprenons pas l’utilité ne doit pas être suivie.) ❸ L’aération du sol symbolise les entretiens avec le professeur. Le professeur veut seulement savoir ① quel objet est apparu ② si nous avons noté cet objet ③ ce que nous avons remarqué (douleur perçante, dureté, etc.) ou ce qui a emporté notre attention ailleurs.

Une journée de méditation se divise en trois parties: l’assise, la marche et les activités générales. Le professeur aimerait entendre un mot des trois parties, mais surtout à propos de l’assise. Connaître le nombre d’heures consacrées à chacune permet de savoir si la pratique est équilibrée. Il faut relater la méditation la plus marquante ou la plus typique. Il ne faut pas hésiter à parler beaucoup de l’objet primaire. Les pensées sont un autre objet. Il faut pouvoir dire si on a remarqué l’objet et si on l’a noté, ce qu’il en est advenu. Le vagabondage n’est pas la même chose que la pensée: l’esprit se détache de l’objet observé et part ailleurs, pas nécessairement en pensée. On n’en a pas toujours conscience. Un autre objet à mentionner à l’entretien, ce sont les douleurs. Tous les yogis n’en ont pas. D’autres objets peuvent être mentionnés également: émotions, visions, sons, goûts, etc. il ne faut pas tout mentionner. Pour la marche, sélectionner une session de 45 minutes minimum, la meilleure de la journée. Expliquer comment on a divisé l’heure selon le nombre de phases du pas noté. Expliquer comment nous avons noté l’objet (par exemple le lever du pied), ce que nous avons remarqué (par exemple de la légèreté). Avons-nous noté « debout » et « tourner » au bout de la piste?

Pour préparer l’entretien, il est permis de noter ses expériences dans un carnet mais il faut éviter de le faire dans la salle de méditation. ❹ l’élimination des insectes nuisibles symbolise l’accroissement de l’effort pour développer la pratique. Deux obstacles sont susceptibles d’exiger un effort accru (le deuxième type d’effort) pour les surmonter: ① comme on ne voit pas tout de suite les résultats, l’ennui, la paresse, la torpeur ou alors la mauvaise volonté se manifestent. On appelle la paresse l’ennemi proche. On reparlera de la façon de surmonter cet obstacle mais, en bref, redoubler d’attention va vivifier l’esprit. Noter simplement « somnolence » ou ses caractéristiques (par exemple une sensation de lourdeur) peut suffire à la dissiper. Se tordre les oreilles permet par ailleurs d’amener du sang au cerveau. En réalité, il faut noter beaucoup avant de pouvoir remarquer que de l’énergie a été générée. Il y a deux éléments dans la prise de note: l’effort d’aller à l’objet et son ciblage. À partir du moment où on parvient à saisir l’objet dès son apparition, il devient plus facile de se maintenir sur l’objet. ② les douleurs. Au début, nous n’avons pas la patience de rester avec elles. Notre seule tâche consiste à les observer. Il faut savoir qu’elles sont liées au développement de la concentration.

Le troisième type d’effort, l’effort graduel, est un type d’effort qui se développe naturellement en poursuivant la pratique et nous mène finalement à nibbāna.

Page précédente