L’équanimité par rapport aux autres demeures sublimes

En pratiquant mettā, karuṇā et muditā, nous développons un souhait et entretenons de l’anxiété, mais la pratique d’upekkhā rejette toute forme d’anxiété et développe un sentiment de neutralité, d’indifférence et de non-discrimination. Mettā souhaite que les êtres soient libres du danger (sabbe sattā averā hontu), karuṇā, qu’ils échappent aux misères (sabbe sattā dukkhā muccantu), muditā, qu’ils ne soient pas privés des biens acquis (yathāladdhasampattito mā vigacchantu). Mais la pratique d’upekkhā consiste d’abord à réaliser que tous les êtres ont leur propre kamma en fonction des actes accomplis (sabbe sattā kammassakā). Le kamma est ce qui cause le bonheur ou le malheur des êtres et il faudrait développer un sentiment d’indifférence à ce sujet. Cette indifférence n’est pas un kamma néfaste qui nous empêche d’accomplir le bien, car il nous faut d’abord aider autant que possible avec mettā et karuṇā et ne développer upekkhā que s’il n’est pas possible d’aider. Lorsqu’une personne est accusée d’un crime par exemple, nous souhaitons d’abord qu’elle échappe à sa peine, mais une fois que la cour l’a condamnée, continuer à s’inquiéter reviendrait à nous causer inutilement de la détresse.

Mettā, karuṇā et muditā permettent d’atteindre le troisième jhāna mais upekkhā conduit au quatrième jhāna. Lorsqu’il émerge du troisième jhāna, le yogi devrait réfléchir aux attributs de ce jhāna et voir qu’il est habité d’un attachement aux êtres dont il espère le bonheur, et donc lié à l’amour et la haine. Le yogi doit d’abord développer cette réflexion et ensuite orienter upekkhā vers une personne neutre, puis, après avoir atteint le quatrième jhāna, vers une personne qu’il affectionne et puis une personne hostile. Si la colère apparaît, il faut appliquer les mêmes instructions que pour la pratique de mettā explique le Visuddhimagga. Il faut parvenir à sīmasambedha, un esprit égal vis-à-vis des quatre types de personnes : neutres, chères, hostiles et soi-même, qui surmonte frontières et démarcations.

Il faut parvenir à la réalisation que, même si nous souhaitons le bonheur des autres (mettā), que leurs souffrances soient supprimées (karuṇā), qu’elles ne subissent aucune perte (muditā), tout cela est peu probable car leur destin dépend surtout de leur kamma. C’est la cause proche d’upekkhā. Cela ne signifie pas que mettā, karuṇā et muditā n’ont pas de résultats positifs. Si leurs destinataires n’ont pas accompli d’actes néfastes graves, leur force propre apportera des bienfaits à ceux-ci, mais le souhait de celui qui les rayonne ne peut être pleinement accompli. Les parents souhaitent que leurs enfants soient en bonne santé et heureux et pourtant ils sont souvent impuissants face à certaines tendances de leurs enfants. Cela ne signifie pas que l’amour bienveillant qu’ils leur portent soit inutile. Il leur bénéficiera d’une façon générale. Celui qui rayonne mettā retirera en outre des mérites de sa pratique. En pratiquant upekkhā, les qualités d’upekkhā seront développées. Le Buddha a déclaré : « la volition (cetanā) est ce que j’appelle le kamma, c’est au travers de la volition que les gens accomplissent des actes bons ou mauvais ». Vipassanā est le meilleur kamma.

Page précédente