Les jhāna (suite)

Même si les méditants vipassanā ne visent pas les jhāna, ils les ont expérimentés. Jhāna peut se traduire par fixité de l’esprit. Pour y parvenir, il faut noter l’objet encore et encore. En notant sans interruption les objets qui apparaissent aux six portes de sens, l’esprit se stabilise. On peut dire que jhāna c’est noter. Le pratiquant d’ānāpānasati aussi ramène chaque fois l’esprit aux narines en notant très souvent.

Pour obtenir le premier jhāna, il faut que l’esprit se libère du désir sensuel (vatthukāma et kilesakāma) ainsi que des cinq empêchements (nīvaraṇa) ① désir sensuel, ② colère, ③ paresse et torpeur (un esprit pris par le sommeil est lourd, incapable de voir et malheureux, aux antipodes du jhāna), ④ agitation (l’esprit éparpillé ne note plus) et remord (l’esprit attentif se souvient facilement d’actions négatives, le remord empêche la joie) ⑤ doute. Le yogi atteint le premier jhāna lorsque les cinq qualités de celui-ci sont présentes : pensée appliquée (vitakka), pensée soutenue (vicāra), joie (pīti), bonheur (sukha) et fixité de l’esprit (ekaggatā).

Lorsqu’il atteint le second jhāna, vitakka et vicāra deviennent moins clairs mais pīti devient très prédominant. Le yogi est joyeux parce qu’il a surmonté les empêchements. La continuité de l’attention ne laisse plus de place aux pensées. Au troisième jhāna, pīti est absent et seul reste sukha. Au quatrième jhāna, l’esprit qui note est puissant. C’est un peu comme pour l’observation des ressentis neutres. Au début, l’esprit très sensible et la faible énergie ne permettent pas encore de voir les sensations changer. Par la suite, les ressentis désagréables deviennent agréables et enfin, neutres.

Une méditante un jour était déçue de recevoir toujours les mêmes instructions aux entrevues. En réalité, elle étudiait, mais c’est la pratique qui compte ici. Il s’agit d’un entraînement, comme pour le pratiquant samatha qui n’observe qu’un seul et même objet. Si nous ne comprenons pas l’importance de l’objet primaire, nous allons nous ennuyer.

La pratique de samatha permet de reprendre naissance dans les plans de brahmā où la durée de vie est très longue mais les brahmā n’échappent pas au saṃsāra et à la souffrance pour toujours. Le but de vipassanā est de comprendre à fond les choses telles qu’elles sont, la réalité ultime (paramattha sacca) et non des concepts comme ‘mon abdomen ‘, ‘mon visage’, etc. Nous ne pouvons atteindre la libération en observant la vérité conventionnelle (sammuti sacca). Lorsqu’il dispose de la force de l’attention, il ne voit plus la forme, mais seulement l’air qui bouge. Mahasi explique que c’est la compréhension qui compte et non l’étiquetage, mais il est impossible au début d’éliminer totalement le concept. L’étiquetage est très utile car il permet de pénétrer facilement l’objet. Le yogi qui ne voit plus la forme pourrait penser que sa pratique s’est détériorée. Mais il a en réalité bien progressé. Il est capable d’emmener son attention partout toute la journée. Il distingue chaque fois esprit (la note mentale) et matière. La compréhension peut alors se manifester.

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