Les quatre anciens qui pratiquaient sans interruption

Le commentaire du mahāsatipaṭṭhānasutta mentionne quatre types de moines partant quêter leur nourriture, le quatrième qui se lève tôt, pratique toute la journée, est attentif quand il part quêter sa nourriture au village et en revient, est le meilleur. En retraite intensive, nous nous comportons comme ce moine. Voici quatre récits issus des commentaires qui illustrent ce type de pratique:

❶ L’ancien Mahāphussa pratiquait ainsi depuis 19 ans. Les villageois se posaient des questions car il revenait parfois sur ses pas quand il avait été inattentif, mais ils n’en tenaient pas compte. La vingtième année, il devînt arhat, alors qu’une déité éclairait ses pas de ses doigts. Brahmā Sahampati, Sakka et les quatre régents de la Terre vinrent lui rendre hommage. L’ascète Mahātissa lui demanda le lendemain d’où provenaient ces lumières qu’il avait vues la veille. Mahāphussa éluda la question mais révéla finalement son illumination.

❷ L’ancien Mahānāga du pavillon de la plante grimpante avait résolu de ne jamais se coucher ou s’asseoir sept ans durant. Il ne levait jamais le pied sans attention. Il ajustait sa robe ocre à une telle distance du village que l’on ne pouvait dire s’il s’agissait d’un bhikkhu ou d’une vache. (Quand ils se rendent au village, les moines enroulent un pan de leur robe pour couvrir leur épaule gauche. Ils rincent aussi leur bol afin que la nourriture ne colle pas aux parois). Mahānāga gardait en bouche un peu d’eau de sa gourde. Quand on leur offre l’aumône, les moines prononcent en effet habituellement une bénédiction. (Abhivādeti, ‘rendre hommage’, signifie littéralement ‘forcer à parler’). Il arrive souvent aussi que des laïcs interrogent les moines. Pour ne pas répondre distraitement, Mahānāga gardait l’eau en bouche, l’avalait, répondait, puis reprenait de l’eau en bouche. Après 23 ans, il devînt arhat.

❸ Les cinquante moines du vihāra ‘havre de Kalamba’ avaient résolu de passer le vassa ensemble et garder le silence tant qu’ils ne seraient pas arhats. Il ne s’agit pas du ‘vœu des sots muets’ critiqué par le Buddha, mais de limiter la parole au strict nécessaire. Comme Mahānāga, ils s’emplissaient la bouche d’eau et la crachaient s’ils étaient interrogés, puis reprenaient de l’eau en bouche. Les gens crurent un temps qu’ils s’étaient disputés, avant de constater qu’il n’en était rien. Ils pratiquèrent ainsi de la pleine lune de juillet (début du vassa) à la cérémonie du pavāraṇā en octobre qui qui clôture le vassa. Étant devenus arhats, ils n’avaient plus rien à confesser comme il est d’usage pour cette cérémonie.

❹ Certains moines suivent l’exemple de Mahānāga et des cinquante moines. Ils restent attentifs à tout moment, évitent les rues où ils voient des soulards, des gangsters, des éléphants ou des animaux agités. Ils ne se hâtent pas et sont toujours dignes. Ils pratiquent la noble mendicité, et ne demandent rien, attendent devant une porte et s’éloignent s’ils constatent la moindre réticence à donner. Ils se rendent parfois au réfectoire du village réservé aux moines, retournent au monastère ou mangent à l’extérieur du village.

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