Les ressentis ne sont pas le soi

Les gens s’attachent aux ressentis (vedanā), ainsi qu’à la croyance que c’est eux qui ressentent plaisir et souffrance, ou une entité vivante en eux capable de ressentir joies et peines, à la différence des objets inanimés qui ne ressentent rien et ne sont pas affectés par les circonstances. En réalité, vedanā n’est pas le soi. Le Buddha indique que si vedanā était le soi, il ne nous affligerait pas et nous pourrions l’influencer à notre guise.

En examinant vedanā attentivement, il devient évident qu’il nous afflige constamment et répond à ses propres règles. Le yogi constate que son expérience est le plus souvent déplaisante, contrairement à ses voeux. Certaines personnes ont un désir intense pour d’agréables visions, sons, saveurs, touchers, etc. Mais les symptômes de la nature pénible des ressentis sont très nombreux : nous devons constamment ajuster notre posture pour nous adapter aux circonstances. Les seuls yeux doivent bouger sans cesse et cligner régulièrement. Si nous ne le faisons pas, la fatigue de l’œil devient insoutenable. Les épaules, les mains, la colonne vertébrale, etc. aussi nécessitent des ajustements constants. En dépit de ces ajustements, vedanā nous inflige des douleurs terribles qui peuvent causer des maladies graves, la mort ou le suicide.

Avec la matérialité (rūpa), vedanā est la source de la souffrance physique. La souffrance mentale (cetasika dukkha) comme la mort de proches, la perte de propriétés, le mécontentement face aux échecs, la séparation, etc. cependant est due seulement à vedanā.

Les ressentis plaisants (sukha vedanā) ou neutre (upekkhā vedanā) nous confortent et apportent du bonheur tant qu’ils durent. Mais ils sont éphémères et nous laissent pleins d’attentes et de désir. Nous devons déployer d’immenses efforts pour les maintenir. Si nous les obtenons par des moyens illégaux, nous devrons en subir les conséquences. Tous deux ont une nature afflictive.

Sans vedanā, nous serions libres des souffrances, mais nāmarūpa apparaît systématiquement accompagné de vedanā. Vedanā n’est donc pas gérable et n’est pas le soi. Nous ne sommes pas du tout capables de maintenir un état plaisant. Les ressentis du plan humain ne sont en outre pas aussi terribles que ceux des plans animaux, des petā très attachés à leurs possessions ou des enfers où nous sommes toujours susceptibles de prendre naissance avant d’atteindre le stade de sotāpanna.

Les gens ordinaires pensent « je souffre » après avoir expérimenté le bonheur, ou « je ressens du plaisir », après un état de détresse. Seule une contemplation personnelle de vedanā permet de se libérer de cette croyance. Surmonter la douleur (dukkhadomanassānaṃ atthaṅgamāya) est un des bénéfices de satipaṭṭhāna. Le yogi note les douleurs, les raideurs, la chaleur, etc. telles qu’elles se manifestent. Il voit une douleur terrible apparaître pour être remplacée par une autre ailleurs tout aussi terrible. Peu à peu il réalise que ces douleurs sont ingérables. Quand sa concentration est très forte, il les balaie comme du revers de la main et elles ne le harcèleront plus jamais. Il peut retirer un très grand bénéfice de cette connaissance.

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