Les stades de connaissance vipassanā

Il faut passer par différentes étapes de connaissance (ñāṇa) pour atteindre l’illumination : la délimitation de la matière et de l’esprit (nāmarūpaparicchedañāṇa), le discernement des causes (paccayapariggahañāṇa), la compréhension (sammasanañāṇa), l’apparition et la disparition (udayabbayañāṇa), la dissolution (bhaṅgañāṇa), le caractère effrayant (bhayañāṇa), le caractère défaillant (ādīnavañāṇa), le caractère dégoûtant ou le désenchantement (nibbidāñāṇa), le désir de libération (muñcitukamyatāñāṇa) la réobservation (paṭisaṅkañāṇa) lorsque l’esprit gagne en force et l’équanimité par rapport à tous les objets conditionnés (saṅkhārupekkhāñāṇa).

Ce dernier stade comporte six caractéristiques : ① une équanimité ébranlée ni par la peur ni par les expériences déplaisantes (bhayañca nandiñca vippahāya sabbasaṅkhāresu udāsīno). Aux stades de bhayañāṇa, ādīnavañāṇa et nibbidāñāṇa, la peur et le dégoût avaient déjà été contemplés, mais cela demandait de gros efforts, était pénible et suscitait le désir d’échapper à cette condition. Mais ces aspects ont disparu à saṅkhārupekkhāñāṇa. Aussi, ce stade ressemble à celui d’udayabbayañāṇa, mais lui est supérieur car dégagé des stimulations, exultations et bonheurs de ce stade. Ceci est appelé abandon du ravissement (nandiñca vippahāya) ② une attitude équilibrée de l’esprit qui ne se réjouit pas des objets plaisants ni ne déprime face aux situations de détresse. Le visuddhimagga explique qu’ayant vu la forme visible avec l’œil, il reste imperturbé (cakkhunā rūpaṃ disvā neva sumano hoti, na dummano, upekkhako ca viharati sato sampajāno) sachant son caractère transitoire, douloureux et dépourvu d’Ego, il n’observe que le processus de la vision, et il en va de même des autres organes des sens. Il s’agit d’une vertu propre aux arhats, appelée chaḷaṅgupekkhā, que les personnes ordinaires aussi peuvent posséder aux stades d’udayabbayañāṇa (moins clairement), de bhaṅgañāṇa (plus distinctement) et de saṅkhārupekkhāñāṇa (de façon prononcée) ③ l’absence d’effort. Outre l’équanimité par rapport aux formations mentales, le yogi adopte une attitude neutre à l’égard de la méditation (saṅkhāravicinane majjhattaṃ hutvā). Les objets de concentration apparaissent l’un à la suite de l’autre sans qu’il doive fournir un effort ④ le stade perdure 1, 2 ou 3 heures (ñāṇassa santānavasena pavattiṃ) là où pour les stades précédents, il n’était pas facile de maintenir l’esprit rivé à l’objet même pour une demi-heure ou une heure. ⑤ une finesse, une subtilité croissante de l’observation ⑥ la non-dispersion de l’attention qui n’est pas séparée de l’objet. Même si d’autres objets apparaissent, l’esprit refuse de quitter les quelques objets de contemplation usuels (par exemple, soulèvement, abaissement, assis, toucher), alors qu’au stade de bhaṅgañāṇa, une sensation de toucher parcourait le corps entier. L’esprit se place en retrait des objets. Si ces quatre objets s’effacent, il ne reste comme objet que la note mentale.

Lorsque le stade de saṅkhārupekkhāñāṇa atteint la perfection avec ses six caractéristiques, un genre de connaissance spéciale semble arriver à grande allure : vuṭṭhānagāminivipassanā. L’esprit se pose à chaque prise de note sur le processus continu de formations mentales. Lorsqu’ariya magga advient, son objet devient la cessation de nāmarūpa et nibbāna. Nous pouvons savoir pour nous-mêmes si nous avons atteint ce stade.

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