Les trois caractéristiques de la matérialité

Les qualités matérielles de l’œil et la forme visible sont vues comme permanentes par les gens ordinaires, mais le yogi observe sans interruption tous les objets qui se manifestent et comprend que la conscience visuelle et l’objet visuel disparaissent sitôt apparus. La partie sensible de l’œil aussi.

Le yogi maintient l’attention toute la journée. Lorsqu’il mange, il note « goûter », et il voit que le phénomène matériel, le goût ainsi que la partie sensible de la langue disparaissent sitôt apparus. Lorsqu’il sent une odeur de cuisson, il voit l’apparition et la disparition incessante des odeurs.

Au début, la concentration n’est pas très forte, des pensées, jugements ou imaginations interfèrent. Quand il les note, le yogi réalise qu’ils disparaissent aussitôt. Le phénomène matériel qui leur serte de base (le cœur) aussi disparaît en même temps.  Il comprend que la disparition des phénomènes matériels vaut pour le corps entier et aussi pour le corps des autres.

Si le yogi note par exemple « entendre », la vibration sonore meurt instantanément et entraîne la mort du tympan, comme des soldats qui marcheraient au son du tambour. Tout disparaît, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Le bienheureux demanda aux cinq bhikkhū si les propriétés matérielles étaient permanentes. Le commentaire explique la caractéristique de l’impermanence comme ce qui, de l’inexistence passe à l’existence avant de mourir aussitôt, comme l’éclair dans le ciel. Seule la vision pénétrante permet de comprendre réellement l’impermanence (aniccānupassanā).

Il leur demanda ensuite si ce qui est impermanent est agréable ou désagréable. Il existe deux types de souffrance : les douleurs physiques et mentales insupportables expérimentées au cours de la méditation dans les jambes ou le dos par exemple ne sont pas liées à l’impermanence. Par contre les apparitions et disparitions constantes ont un aspect extrêmement désagréable, dégoûtant et repoussant. Elles sont terribles et redoutables, car elles peuvent cesser à tout moment et signifier la mort. Les gens ordinaires recherchent les plaisirs des sens car ils semblent durer, mais ceux-ci perdent leur valeur lorsqu’ils réalisent qu’ils ne durent pas même une seconde. Le commentaire explique que la caractéristique de la souffrance est l’oppression incessante des apparitions et disparitions. La contempler, c’est dukkhānupassanā.

Le Buddha demanda enfin aux bhikkhū s’il convenait de considérer ces phénomènes qui présentent un danger de mort constant comme « ceci est à moi », « je suis ceci », « ceci est mon moi ».

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