Les trois caractéristiques et leur aspect de désagrégation et de vide

Ces trois caractéristiques et ce qui les masque existent-elles réellement ? Selon le sous-commentaire, il s’agit de simples modes de phénomènes conditionnés qui ne sont pas inclus dans les agrégats. Mais ils n’en sont pas séparés non plus sinon nous ne pourrions les connaître.

Au début de la pratique de vipassanā, nous nous limitons à quelques objets d’observation pour développer la concentration. Lorsque l’esprit est calme, il ne voit plus que l’objet et l’esprit qui le note séparément et non mêlés l’un à l’autre. Il n’y a rien d’autre. Plus tard, il voit la conditionnalité : si je m’assieds, c’est parce qu’il y a intention de s’asseoir. Il voit ensuite les apparitions et disparitions et l’oppression constante de celles-ci. Il comprend anatta, l’absence de noyau des phénomènes et leur caractère incontrôlable.

Si nous avons vu les trois caractéristiques par nous-mêmes, nous n’avons plus besoin de nous référer à d’autres. Mais voir par exemple son corps se désagréger en petites particules ne signifie pas nécessairement que l’on a vu anatta. Il faut voir aussi l’impermanence de l’esprit.

Dans le Sīlavanta sutta, Sāriputta répond à Mahākoṭṭhika qu’un bhikkhu devrait observer les cinq agrégats minutieusement sous onze aspects. Le neuvième aspect est la désagrégation (palokato). Celle-ci se produit en fin de vie, mais aussi à chaque instant. Si nous voyons la seconde, nous comprenons la première. La caractéristique de l’impermanence est la non-existence après avoir été.

Le dixième aspect est le vide (suññato), qui n’est pas le néant, mais la caractéristique des phénomènes comme vides d’un moi résident ou d’essence. Lorsque l’on voit les agrégats, on ne voit que ceux-ci et rien d’autre.

Les onze aspects peuvent être ramenés à trois : la désagrégation est une forme d’impermanence ; la maladie, la tumeur, le dard, la misère, l’affliction, sont une forme de souffrance et le caractère étranger et vide se ramènent au non-soi. Cet enseignement est authentique car il se trouve dans plusieurs sutta. Observer les trois caractéristiques est suffisant, mais si nous en voulons plus, nous pouvons également observer les agrégats des 40 façons décrites dans le Visuddhimagga.

Lorsque nous ressentons les trois caractéristiques, nous perdons notre intérêt pour les agrégats. Leur disparition accélérée est terrifiante : s’ils cessent d’apparaître, nous mourrons. Ce moment où l’on commence à trouver des défauts aux agrégats et à s’en détourner est très important. Vipassanā devient fort (adhipaññā vipassanā) et n’est plus jeune ou tendre. La réalisation de magga et du premier stade est proche, mais il faut observer les trois caractéristiques encore et encore et ne pas relâcher l’effort à ce moment afin de ne pas échouer à nouveau à les voir, comme dans l’allégorie du pêcheur du Visuddhimagga qui croit saisir un poisson et, quand il réalise qu’il s’agit d’un serpent, le tient fermement d’abord pour éviter d’être mordu et ensuite seulement le propulse au loin. Le yogi qui se maintient dans l’observation des trois caractéristiques sera précipité dans la cessation des phénomènes (asaṅkhata) et prendra nibbāna pour objet.

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