Les vues fausses et les onze feux

Diṭṭhi renvoie aux vues hérétiques ou aux croyances erronées. Nous nous attachons à la croyance au soi alors qu’il n’y a qu’un flux de phénomènes psychophysiques (nāmarūpa). Sans méditer, il n’est pas possible de comprendre en quoi consiste la vision : seul l’objet (la matérialité) et la conscience de celui-ci (l’esprit) existent réellement dans l’instant présent. Il n’y a pas de soi ou de personnalité (atta et sakkāya diṭṭhi). Avant l’apparition du Buddha, sans accès au Dhamma, ou après son apparition car incapables de comprendre ce Dhamma, des êtres développent la vue fausse du soi.

D’autres vues fausses sont celles de l’éternalisme (sassata diṭṭhi) et de l’annihilationisme (uccheda diṭṭhi). On pense que le soi est éternel et transmigre éventuellement vers un autre corps après la mort ou alors, que le soi disparaît après la mort et qu’il n’y a pas d’actes méritoires ou déméritoires. Cette seconde vue fausse, si elle est entretenue, entraîne inévitablement le développement de vices. Avec duccarita micchā diṭṭhi, cette vue fausse peut mener à une renaissance dans les plans de misère. Ceux qui entretiennent sassata diṭṭhi en revanche développeront probablement certains mérites par l’entraide, le don et l’élimination de certaines tendance déméritoires, mais ils ne croiront pas en l’enseignement du Buddha selon lequel seul existe un processus psychophysique continu dépourvu d’un soi et selon lequel l’élimination de la cause, taṇhā, mènera à la cessation de l’effet (dukkha).

Nous devons nous inspirer de la grande compassion du Buddha pour l’ensemble des êtres méchamment brûlés par onze feux : rāga, dosa, moha, jāti, jarā, maraṇa, soka, parideva, dukkha, domanassa et upāyāsa.

Les trois premiers feux sont des pollutions mentales néfastes (akusalā kilesā), les huit suivants sont des feux du saṃsāra. ❶ C’est par rāga que nous nous attachons aux objets plaisants, pas seulement à ce qui est vu, mais à l’objet dans son entièreté, comme au corps d’une femme ou d’un homme. Si l’objet n’est pas accessible, il nous manque et nous tenterons peut-être de l’acquérir de façon malhonnête. Peut-être perdrons-nous l’appétit ou le sommeil. Si nous le possédons, nous déploierons de grands efforts pour le conserver. Les gens ordinaires pensent que cette sensation de convoitise est bonne. Ils sont constamment inquiets et pensent même peut-être qu’il est bon d’être inquiet. En réalité le feu de rāga nous consume. ❷ Le feu de dosa est plus évident mais, pourtant, le coléreux se sentira peut-être bien avec sa colère. ❸ Moha masque la vérité de l’impermanence, de la souffrance et du non-soi. Les phénomènes aux six portes sensorielles ne sont pas compris et les non-méditants auront du mal à comprendre ce feu. Moha inclut l’ignorance de ce qu’il faut éviter : lieux, actions, paroles, et rend les erreurs et la souffrance qu’elles entraînent inévitables.

Nous devons souhaiter aux êtres pitoyables d’être libres de ces misères.

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