Lorsque le yogi est concentré et que sa capacité à noter est renforcée, il voit l’expérience et plus l’expérimentateur, il voit l’action et plus l’agent. C’est un aspect d’anatta. Un autre aspect d’anatta qu’il voit, c’est que les phénomènes ne sont sujets à aucune autorité ou à aucun contrôle. Il ne peut demander aux processus ou aux pensées d’apparaître. Les phénomènes se produisent lorsque les conditions sont présentes et nous sommes impuissants à les en empêcher ou à les influencer.
Il faut répondre à trois questions par rapport à anatta : ❶ les 5 agrégats ont la nature d’anatta. Na+atta signifie non-soi. ❷ les caractéristiques d’anatta sont l’absence d’autorité et l’absence de noyau permanent ❸ anattānupassanā est la compréhension répétée que les 5 agrégats sont impersonnels.
Nibbanā aussi est anatta mais n’est pas objet de vipassanā. Le but de vipassanā est de voir les 3 caractéristiques et son objet se limite donc aux 5 agrégats. Les 3 caractéristiques s’appliquent à tous les phénomènes conditionnés. Il faut les voir pour progresser en méditation et seuls vipassanā et satipaṭṭhāna le permettent.
Qu’est-ce qui voile ces trois caractéristiques ? Comment déchirer ces voiles et quel en est l’intérêt ? Le Visuddhimagga explique que l’impermanence est occultée par la notion de continuité (santati) due au manque d’attention des gens aux apparitions et disparitions. En réalité, il n’y a pas de continuité, comme pour la ligne apparente de fourmis en file indienne, où seules les fourmis sont réelles. On ne voit pas, de loin, l’espace qui les sépare, comme on ne voit pas, dans le corps, les particules apparaître et disparaître, ou qu’un esprit négatif succède à un esprit clair, avant d’être remplacé à son tour par un autre esprit. Si on observe une feuille de papier avec un puissant microscope, on réalisera qu’il y a plus d’espaces vides que de matière. Avec le microscope de l’esprit qui note et la concentration, l’esprit et la matière nous apparaissent séparés, apparaissant et disparaissant sans cesse. La conscience visuelle n’est pas connectée à la conscience auditive qui lui succède, l’abaissement de l’abdomen n’est pas connecté au soulèvement. Les états physiques et mentaux apparaissent dans un état de déconnexion. C’est donc l’observation des apparitions et disparitions qui permet de se débarrasser de la notion de continuité.