Noter les trois types de sensations pour atteindre nibbāna

La colère est latente dans le ressenti désagréable, l’avidité dans le ressenti agréable et l’illusion dans le ressenti neutre. Nous ne pouvons atteindre nibbāna qu’en éliminant ces pollutions mentales.

La sensation désagréable est ressentie le plus clairement à Sammasana ñāṇa. Il y a trois façons de noter la douleur : dans le but de la faire disparaître, auquel cas on nourrit l’avidité latente en nous, en favorisant un esprit fort et rude dans le but de vaincre la douleur, auquel cas on nourrit la colère latente en nous et dans le but de connaître sa vraie nature, ce qui est la bonne façon de noter. Nous ne connaîtrons la nature d’apparition et de disparition que si nous connaissons la véritable nature de la douleur. Sa nature est de s’intensifier et de décroître. Face à une douleur intense, il faut d’abord se résoudre à rester patient et tolérant. Il faut ensuite détendre un peu l’esprit et le corps très tendus. Il faut enfin noter intensément la douleur, évaluer son intensité (pénètre-t-elle la peau, la chair, les os ou la moelle ?) S’agit-il d’un picotement, d’une douleur sourde, morsure, pression, lourdeur, vertiges ? Si elle atteint un sommet pour ensuite décroître, ne pas relâcher la prise de note. Remarquer si la douleur se déplace. La puissance de la prise de note s’accroît lorsque l’on commence à noter la nature de la douleur. Elle commence à apparaître et disparaître et à ce moment, on commence à avoir le dessus. La douleur n’est plus le facteur principal désormais mais la connaissance des apparitions et disparitions. Si l’on poursuit la prise de note, à chaque note, l’apparition n’est plus manifeste mais seulement la disparition. À ce moment nous avons complètement surmonté la douleur et fait notre travail d’abandonner la colère latente dans la sensation désagréable.

La sensation agréable est surtout évidente au stade d’uddayabbaya ñāṇa. Au stade préliminaire d’uddayabbaya, c’est surtout la sensation plaisante qui est prédominante, le yogi peut rester beaucoup plus longtemps dans la même posture, son corps et son esprit sont agiles, directs, flexibles, tranquilles et heureux. Il commence à y prendre goût et l’avidité habite la sensation. S’il ne l’abandonne pas, il ne pourra progresser. Comment procéder ? Il faut d’abord observer où se trouve la sensation la plus agréable, dans le corps ou dans l’esprit ? En continuant à noter, le yogi parvient au stade de maturité d’uddayabbaya. Il remarque que la sensation disparaît tout de suite après avoir été notée. Cela est si rapide qu’il se sent opprimé et que c’est difficile à suivre. La sensation est donc vue comme souffrance et le yogi devient capable d’abandonner l’avidité latente en elle.

La sensation neutre est surtout apparente au stade de saṅkhārupekkhā ñāṇa. On peut savoir soi-même si l’on a atteint ce stade selon Mahasi Sayadaw si on remarque que les trois qualités spéciales de ce stade sont présentes : il n’y a ni terreur ni délectation, on est capable d’être impartial et sans préjugés tant face à la douleur qu’au plaisir et on peut noter sans faire d’effort. Le yogi a tendance à prendre tout à la légère et c’est ainsi que l’illusion prend le dessus. Pour surmonter l’obstacle, il faut noter la sensation neutre comme impermanente. Celle-ci est aussi peu distincte que les empreintes d’une biche sur une pierre plate. Il faut reprendre l’observation du soulèvement et de l’abaissement et observer leur disparition fugace ainsi que celle de l’esprit qui note, comme au stade de la dissolution. Ainsi, en voyant que tout est impermanent, on aura accompli le travail d’éliminer l’illusion latente dans les sensations neutres. C’est le stade de maturité de saṅkhārupekkhā ñāṇa.

Après la retraite, il faut emporter l’esprit qui note avec soi et noter sans interruption jusqu’à l’atteinte de nibbāna. L’effet du travail de prise de note accompli au cours de la retraite nous accompagnera jusqu’au bout du chemin même si nous devons encore reprendre naissance.

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