Observer la matérialité en termes de caractéristique, fonction et manifestation

Les gens ordinaires se perçoivent eux-mêmes, lorsque la vision, l’audition, la sensation gustative, olfactive ou tactile se produit, comme un être vivant qui existera toujours et ils perçoivent les autres de la même façon. Ils pensent être heureux, bons et beaux. Se pencher, s’étirer, se tendre, se relâcher, soulever ou baisser l’abdomen, tout cela ressortit du toucher. Dès que le toucher se produit, l’attachement se manifeste. Lorsque l’on pense aussi, on imagine que cet être qui pense à présent est le même que celui qui a pensé précédemment. La pensée est vue comme agréable. Voir tous ces contacts comme plaisants ressortit des vues fausses.

Il nous faut une méthode car, si nous voyons toutes ces choses comme plaisantes, comment pourrions-nous comprendre leur nature. En réalité, l’apparition et la disparition constante des phénomènes est une souffrance terrible. L’observation se fait dans le but de percevoir l’impermanence, la souffrance et l’insubstantialité des phénomènes. Il faut noter, au moment où ils apparaissent, tous les phénomènes qui se manifestent aux six portes sensorielles. Les débutants doivent se limiter à quelques objets, aux mouvements très évidents de l’abdomen. La compréhension profonde commence par la discrimination entre esprit et matière. L’abrégé de l’Abhidhamma explique que pour réaliser le troisième des sept stades de purification, la purification des vues (après celles de la moralité et de l’esprit), il faut comprendre la caractéristique, la fonction, la manifestation et la cause immédiate des phénomènes. Or le commentaire du Mahāsatipaṭṭhāna sutta insiste fort sur l’élément air dans les sections sur les 4 postures, la claire compréhension et les 32 parties du corps. La caractéristique de l’élément air est de soutenir (comme un ballon), sa fonction est le mouvement (il permet au corps de s’asseoir, se tenir debout, aller, se pencher, etc.) et il peut se manifester à l’esprit du yogi comme des poussées, de l’extension, éventuellement l’impression d’être tiré ou poussé par quelqu’un.

Au cours de la marche, la connaissance du yogi se développe lorsqu’il réalise qu’il n’y a pas de « je » : il y a d’abord l’intention de marcher qui amène une tension ou la présence de l’air dans le corps entier. Le corps se met alors en mouvement. Il n’y a rien de plus.

Certains diront que si on note, on ne verra jamais que des concepts. Mais ce n’est vrai qu’au début de la pratique. Plus tard, on voit à la fois le concept et la réalité. Il n’est pas réaliste d’instruire tout de suite d’observer la réalité ultime. Le Buddha lui-même dit de noter « marcher » et non « élément air ». Quand la concentration est renforcée, on ne voit plus les concepts mais seulement la réalité ultime.

Il ne faut pas nécessairement étudier ces choses, sauf si on veut les enseigner. On les expérimentera naturellement en observant. Si on observe un ciel nocturne, on peut voir soudain la lumière (la caractéristique) d’un éclair, dont la fonction est de faire disparaître l’obscurité et qui se manifeste par des zigzags, la longueur, la petitesse, etc.

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