Pourquoi observer Dukkha vedanā

Nous avons examiné hier les différents types de ressentis, sensuels ou non, agréables, désagréables ou neutres. Le yogi doit comprendre l’intérêt d’observer les ressentis désagréables (dukkha vedanā), sans quoi il développera de l’aversion à leur encontre ou cherchera à les éluder. Vipassanā consiste à observer ce qui est prédominant. Si les douleurs sont prédominantes, il faut les observer.

Si l’on comprend l’une des trois caractéristiques de l’objet observé, on comprend automatiquement les deux autres. Il faut donc se demander si ces ressentis changent réellement (anicca), dans quelle mesure ils sont douloureux (dukkha) et impersonnels (anatta). Le puthujjana se complait dans les sensations, recherche ce qui est agréable. Mais il nous faut noter tout ce qui se manifeste, le soulèvement et l’abaissement, les images, sons, odeurs, saveurs et impressions tactiles.

Beaucoup d’impressions sensorielles nous déplairont : le froid, les picotements, etc. Il s’agit de kāyika dukkha. Ceux-ci peuvent donner lieu à un ressenti mental désagréable (cetasika dukkha), l’énervement, la dépression, la peur, la colère, etc. Tout cela, c’est dukkha dukkha, la souffrance intrinsèque.

Dans la vie de tous les jours, nous nous plaisons en compagnie de l’objet de notre bonheur, la famille, les possessions, etc. Leur disparition nous cause néanmoins de la douleur, c’est la souffrance due au changement (vipariṇāma dukkha). En méditation, des images horribles peuvent succéder à des visions agréables.

Si nous déployons des efforts dans la méditation, nous verrons l’apparition et la disparition constante des phénomènes : nous expérimenterons un ressenti ni agréable, ni désagréable et non-sensuel (nirāmisa upekkhā), toutes les douleurs, picotements, ressentis agréables et neutres pourront être notés clairement et la joie apparaîtra. Nous comprendrons alors sankhāra dukkha, la souffrance due à nāmarūpa.

Si nous ne sommes pas encore parvenus à expérimenter ce troisième type de douleur, nous avons à tout le moins expérimenté les deux premiers.

Le bonheur qui procède d’un esprit calme et attentif diffère de celui qui dérive des plaisirs sensuels : il n’est pas sensuel et s’accompagne de la sagesse. On comprend le corps et l’esprit, les causes et les effets, etc., ainsi que les bénéfices de satipaṭṭhāna, à commencer par l’esprit libéré des impuretés qui est expérimenté directement et par soi-même (sandiṭṭhika). Au début, on pensera qu’il n’est pas possible de rester continuellement attentif, mais peu à peu, les pensées sensuelles vont se raréfier, et des pensées plus sages vont apparaître, comme le désir d’enseigner aux autres, etc. Il est important de contrôler nos pensées pour contrôler nos actes physiques et verbaux. Les pensées sont inévitables. Notre seule tâche est de les noter, qu’elles soient pures ou impures. Ainsi, nous deviendrons capables de les voir apparaître et disparaître. Nous éviterons de nous nuire à nous-mêmes et aux autres. Il faut noter les pollutions mentales qui apparaissent dans l’esprit, grossières, médianes ou latentes. Nous les éliminerons progressivement jusqu’à l’état d’arhat.

Page précédente