Samatha et vipassanā

Hier, nous avons évoqué sīlavisuddhi, la purification de la conduite, fondement de la pratique de la méditation. Cittavisuddhi, la purification de l’esprit, est le niveau suivant.

Samatha, la pratique de la concentration, n’est pas propre au bouddhisme et on la retrouve dans l’Islam et d’autres religions. Egrener un chapelet, réciter le nom du Buddha ou rayonner mettā sont des pratiques de samatha. Mettā, comme ānāpānasati, peuvent se pratiquer de façon à atteindre les jhāna. Si on pratique exclusivement l’attention à l’objet primaire, l’air au niveau des narines ou le soulèvement de l’abdomen, on pratique samatha. On a vu hier qu’ānāpānasati menait aux quatre satipaṭṭhāna qui, à leur tour, permettaient de développer les sept indriya et, ensuite, atteindre l’illumination. En pratiquant ānāpānasati une semaine ou un mois, on atteint la concentration d’accès, upacāra samādhi, puis l’absorption, appanā samādhi. L’esprit reste avec la respiration et ne va nulle part, comme un scientifique entièrement absorbé par ce qu’il voit au microscope.

Du temps du Buddha, les moines vivaient une vie très simple. Ils pratiquaient samatha de longues années, atteignaient les jhāna, et obtenaient des pouvoirs (abhiññā). Les hindous ou Jésus aussi obtenaient ces pouvoirs, par exemple l’œil divin, l’oreille divine, lire les pensées, etc. À partir de là, ils progressaient très rapidement dans la pratique de vipassanā, devenant des êtres nobles. Comme un radar marin, ils pouvaient capter tout très vite.

Ici, nous développons khaṇika samādhi et renforçons la détermination. Upacāra, appanā et khaṇika samādhi sont en fait similaires et procurent les mêmes avantages. Si la force de la volonté est grande, la concentration sera forte et on verra d’autant plus clairement. Le vipassanāyānika pratique à son insu samatha. C’est difficile ! Si le yogi parvient à rester sur l’abdomen dix minutes, c’est déjà très bien. L’esprit est très rapide en effet.

Le sens originel du mot jhāna est ‘observation ferme de l’objet’. Plus tard, on le comprendra comme quelque chose à obtenir. En observant fermement l’objet, on obtient la force de la volonté et ensuite les jhāna. Même si nous sommes dans un centre vipassanā, nous sommes autorisés à pratiquer samatha. Mais le samatha yāna demande beaucoup de temps.

Jusqu’à la seconde guerre mondiale, les moines pratiquaient samatha avant vipassanā, comme prescrit dans le Visuddhimagga. En 1949, le premier ministre U Nu invite Mahasi Sayadaw à expliquer la méditation aux laïcs, à la radio, et à leur enseigner la voie du pur vipassanā. Les laïcs sont très actifs et disposent en effet de peu de temps. C’est une bonne méthode pour les temps modernes.

Néanmoins, sans concentration, vipassanā est inutile.

Le suddha (pur) ou sukkha (sec) vipassanāyāna est comme un raccourci pour atteindre la sainteté. Mais il ne permet pas d’obtenir les pouvoirs. C’est comme à l’école anglaise : obtenir cinq A donne le droit de choisir n’importe quelle carrière. Avoir des points ordinaires permet juste d’obtenir un travail ordinaire. À l’époque du Buddha, les pouvoirs supranormaux étaient utiles pour voyager, mais ils ne sont plus très nécessaires aujourd’hui.

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