Sati sambojjhaṅga

Le mot bojjhaṅga est composé de « bodhi » (quelqu’un qui connait les quatre nobles vérités) et « aṅga » (cause, facteur). On ne vient pas à connaître ces quatre nobles vérités fortuitement, ni en lisant ou écoutant des enseignements. Il ne s’agit pas d’une connaissance ordinaire. Elle apparaît en un seul instant, lorsque le méditant fait l’expérience de magga, le chemin.

Il y a sept bojjhaṅga: sati, dhammavicaya, viriya, pīti, passaddhi, samādhi, upekkhā.

Le premier, c’est sati saṃbojjhaṅga, l’attention. Au début ces facteurs ne sont pas très clairs, ils ne le deviennent qu’au stade d’udayabbayañāṇa. Il faut pratiquer les quatre fondements de l’attention pour les développer: cattāro satipaṭṭhānā bhāvitā bahulīkatā satta sambojjhaṅge paripūrentī. (Lorsqu’ils sont développés et abondamment exercés, les quatre satipaṭṭhāna amènent la réalisation des sept facteurs d’illumination)

Les yogis passent la journée avec attention. Ils observent le corps (kāyanupassanā), les sensations agréables et désagréables (vedanānupassanā), les activités mentales, imagination, réflexions (cittānupassanā) et les objets généraux, sons, images, etc. (dhammānupassanā). De cette façon, ils développent sati.

La caractéristique de sati est de récupérer, recouvrer (apilāpanalakkhaṇā). Sati ne flotte pas sur l’objet mais plonge ou coule dans l’objet, comme une pierre dans l’eau et à l’inverse du bouchon de liège qui flotte à la surface. On note « soulèvement » par exemple, mais on perçoit les qualités de tension ou de mouvement. L’attention s’immerge dans ce phénomène.

La fonction de sati est la non-disparition (asammussanavasa). L’objet n’est pas perdu de vue. Sa manifestation (paccupaṭṭhāna), c’est d’amener l’esprit face à l’objet (visayābhimukhabhāvapaccupaṭṭhānā). C’est comme si l’esprit attendait de se retrouver face à l’objet. Abhimukha signifie « directement en face ». Lorsque deux personnes se dirigent l’une vers l’autre, si elles ne regardent pas au moment de se croiser, elles ne sauront pas de qui il s’agit. De la même façon, si le yogi pense à autre chose, il ne verra pas l’objet qui apparaît. On voit d’abord le visage entier et puis ses caractéristiques. De la même façon, le yogi qui observe le soulèvement, après l’avoir noté de façon répétée, commencera à voir des petits moments de tension, de resserrement, etc. À terme, le yogi ne manque plus les objets ou, s’il en manque un, il s’en rend compte. Les kilesa ne peuvent plus apparaître. C’est une des manifestations de sati: il nous protège (ārakkhapaccupaṭṭhānā). Le yogi comprend la nature douloureuse de son corps.

La cause de sati est l’observation continue. Quand sati est continu, il est fort. Le sati du moment précédent cause le sati du moment suivant. La seconde cause de sati, c’est la non-association avec des personnes inattentives ou négligentes. La troisième cause, c’est la fréquentation des personnes attentives. La quatrième cause, c’est la priorité donnée à sati, l’inclination de l’esprit vers sati. Les laïcs mettent de côté leurs obligations sociales et privilégient l’attention. Le yogi en retraite donne la priorité à l’attention sur la lecture ou l’écriture de ses expériences, ou encore sur la nourriture.