Anattā : déployer des efforts pour atteindre la sagesse

Il faut fournir un effort pour être conscient très précisément de chaque objet des sens, de chaque sensation dans le corps, y compris subtiles comme les chatouillements ou les vibrations, qui apparaissent. Dans la vie quotidienne aussi. Les pollutions nous empêchent de voir la nature impermanente et impersonnelle des phénomènes. Le plus gros problème, c’est l’identification au « moi ». Si quelque chose m’arrive, je m’inquiète, mais pas si quelque chose arrive à mon voisin. Là où il y a attachement, il y a souffrance. En Occident, on dit « je pense donc je suis ». Dans le bouddhisme, le penseur et la pensée sont une seule et même chose, le premier ne peut exister sans le second.

Un jeune homme en Chine partit voir un maître et lui demanda d’enseigner ce qu’était l’Ego. Il partagea sa hutte un jour, deux jours, un mois, mais ne recevait toujours pas d’explication. Après vingt ans, il se plaint. Le maître rétorqua qu’il n’avait fait qu’enseigner : il avait accepté chaque hommage et chaque tasse de thé offerte. L’élève se rendit alors sur la montagne. Il vît un vieillard en descendre et lui demanda s’il y avait trouvé la nature de l’Ego. Le vieillard posa son lourd fardeau au sol sans rien dire. Le jeune homme fut illuminé. En réalité, le moi est extérieur à nous, nous le créons et le portons, et à cause de lui, nous souffrons. Le jeune homme demanda ce qu’il fallait faire ensuite. À nouveau le vieillard ne dit rien, mais reprit simplement son sac. Cela signifie qu’il nous faut porter cet ego pour mener une vie ordinaire. Il n’y a personne derrière les actions (kamma), les ressentis ou le nibbāna. Nous parlons de moine ou de personne avancée par convention, en réalité il n’y a que des phénomènes physiques et mentaux.

Voici cent ans environ, un missionnaire catholique se rendit dans un temple chinois, assista à des rituels et demanda au moine « qui priez-vous ? que priez-vous ? ». « Personne, rien » répondit le moine. Le bouddhisme chinois est un peu différent du birman. Il n’y a rien de réel dans ce monde. Le vide (suññatā) n’est toutefois pas le néant. Nous investiguons d’abord le concept avant de comprendre qu’il ne s’agit que de particules subatomiques qui se conditionnent mutuellement. Il s’agit chaque fois de phénomènes neufs, sans continuité.

Lorsque l’on voit ainsi, l’esprit très pur ne réagit plus. Il accepte les choses telles qu’elles sont et peut vivre en société harmonieusement. Des personnes très coléreuses changent d’attitude. L’important n’est pas de comprendre en détail ce que j’ai expliqué, mais de pratiquer.

Pour la marche, il faut ❶ prendre conscience de l’intention de marcher, sans laquelle la marche n’a pas lieu. Il faut ensuite observer ❷ décoller, ❸ lever, ❹ baisser, ❺ abaisser, ❻ toucher et enfin, ❼ il faut observer le ressenti. Parfois une sensation dans le pied se répercute dans tout le corps. Cette pratique permet de développer l’attention très rapidement.

Page précédente