Bonheur sensuel et non sensuel

Cette stance du Buddha (dhammapīti sukhaṃ seti vippasannena cetasā. ariyappavedite dhamme sadā ramati paṇḍito) est très appropriée pour vipassanā. Elle encourage les yogis à pratiquer avec diligence. Sans diligence, on ne peut expérimenter le bonheur du Dhamma (dhammapīti). Ceux qui ont expérimenté les dhammā tels qu’ils sont vivent heureux avec un esprit serein en toutes circonstances, à la manière des êtres nobles. Avant de devenir nobles, ces êtres ont été comme nous des puthujjanā, des êtres ordinaires. Tout le monde peut avoir accès à ce bonheur, quelle que soit le rang ou l’occupation.

Il y a deux types de bonheur: ❶ sāmisa sukha, le bonheur sensuel acquis à la naissance. Mais ce type de réjouissance ou de bonheur mène finalement à la peine quand il est perdu (piyato jāyatī soko). ❷ nirāmisa sukha, le bonheur du Dhamma qui provient de la pratique de vipassanā et n’est pas inné. Il est difficile à obtenir au début en raison des pensées et des douleurs. Les douleurs sont d’abord vues comme des obstacles mais une fois qu’on parvient à les noter, on les voit comme des aides, des amies.

Lequel des deux bonheurs choisissez-vous: celui qui est mélangé à la souffrance ou celui qui en est dépourvu? Comment expérimenter ce second type de bonheur. Il faut pratiquer avec ātāpa, sati et sampajañña. Sans effort ardent (ātāpa), on ne peut expérimenter dhammapīti. Il faut une attention continue (sati). Lorsque l’on note, on remarque des choses et on sait pour soi-même qu’il n’y a plus d’avidité (lobha) ou de colère (dosa) en nous (sampajañña).

La respiration est importante. Si elle est superficielle, l’air ne pénètre pas jusque dans la zone du nombril. Si la respiration est ressentie au niveau de la poitrine, c’est qu’elle n’est pas très profonde. Pour parvenir à une respiration profonde, il faut être attentif à chaque respiration. Si on note encore et encore, cela devient clair et plus intéressant. Il n’y a plus d’ennui et de paresse. On ne veut manquer l’objet pour rien au monde. On s’intéresse aussi aux autres objets: douleurs, raideurs, engourdissements, dureté, chaleur, froid, peut-être salive dans la bouche, mouvement, etc. l’esprit devient serein et mature. Lorsqu’il y a des pollutions mentales (kilesa), l’esprit est brumeux. Le yogi ne voit pas clairement l’esprit et la matière, les causes et les effets et il n’expérimente pas le bonheur du Dhamma.

Pendant la marche, il faut éviter de regarder ici et là. C’est ennuyeux de répéter chaque fois les mêmes instructions mais je le fais car les yogis qui n’ont pas l’habitude l’oublient. Les yeux sont très curieux. Il n’est pas simple de maintenir le regard vers le bas. Lorsque le yogi est concentré sur le mouvement des pieds, il n’y a plus de vagabondage de l’esprit, de désir, de colère ou de chagrin. Au lieu de cela, c’est dhammapīti qui occupe l’esprit. À chaque pas, le yogi peut voir l’esprit et la matière, même s’il ne les nomme pas comme tels. C’est la nature de l’esprit d’être pur et limpide, mais il est souillé par les kilesa. Désormais, à chaque pas, l’esprit est frais, propre et pur.

Le yogi doit se contenter de noter. Il doit juste savoir qu’il va quand il va. Il observe seulement le mouvement mais quand l’attention est forte, il remarque d’autres objets aussi, par exemple la dureté ou la douceur (paṭhavī dhātu) quand le pied touche le sol. Il ne les recherche pas mais cela vient automatiquement. L’esprit ne va nulle part, il est concentré en un seul point. Lorsqu’il mange aussi, le yogi expérimente des saveurs: doux, amer, aigre, épicé, etc. Cela n’est pas noter mais remarquer. Mahasi Sayadaw parlait de trois choses dans la pratique de vipassanā: apparaître, noter, remarquer. Ainsi la pratique est-elle complète. À chaque pas, il faut pratiquer ainsi. Quand on mange aussi.

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