Comprendre dukkha

Dukkhe patiṭṭhito loko, dukkhe ṭhapito loko. Notre vie est établie sur la souffrance. Le terme dukkha ne renvole pas seulement à la souffrance physique et mentale. Pour le comprendre, Il faut pratiquer le noble octuple sentier.

Le facteur le plus important de l’octuple sentier est la compréhension juste (sammādiṭṭhi). Le Buddha exhortait ses disciples à ne rien accepter sans comprendre. Il y a trois degrés de compréhension :

❶ Comprendre ce qui est sain et malsain. Selon que nos actes physiques et verbaux rendent les gens heureux ou malheureux, nous devons comprendre qu’ils sont bénéfiques ou néfastes.

❷ Comprendre le kamma et ses résultats. Beaucoup de gens parlent du kamma sans le comprendre vraiment. Un bouddhiste se doit de bien comprendre le kamma. On parle de kamma physique, verbal et mental mais, en réalité, c’est l’attitude mentale ou la volition qui détermine le kamma : cetanāhaṃ,bhikkhave,kammaṃ vadāmi. Même si notre entreprise échoue, son résultat kammique peut être bon en fonction de notre intention initiale. C’est aussi le kamma qui détermine les inégalités entre humains, comme le Buddha l’expliqua un jour au jeune brahmane Subha : sabbesattā kammassakā kammadāyādā kammayoni kammabandhu kammappaṭisaraṇā, yaṃ kammaṃ karissanti — kalyāṇaṃ vā pāpakaṃ vā — tassa dāyādā bhavissanti. Tous les êtres ont le kamma comme possession (notre situation présente, notre joie ou détresse, notre santé ou nos maladies sont le fruit de notre kamma), comme héritage (si nous voulons connaître notre passé, nous devons observer notre situation présente et si nous voulons connaitre notre futur, il faut regarder ce que nous accomplissons maintenant), comme origine, comme ami et comme refuge.

❸ Comprendre la nature de l’univers. Tous les phénomènes physiques et mentaux changent constamment. Cela nous échappe car nous ne voyons que des concepts. Nous voyons pourtant en observant l’inspir qu’il ne dure qu’un instant, apparaît et disparaît, tout comme la conscience de l’inspir.

Comment pouvons-nous développer cette compréhension ? Il y a trois connaissances profondes : ① ñatapariññā, être conscient des choses telles qu’elles sont. Il faut être conscient très précisément des ressentis tant physiques que mentaux, agréables, désagréables ou neutres. Il faut aussi être conscient de la chaleur ou du froid, des vibrations ou du mouvement, de la lourdeur ou légèreté et de la cohésion. Il s’agit de manifestations subtiles des éléments feu, air, terre et eau respectivement. Lorsque la vision surgit, un ressenti très subtil dont nous ne serons peut-être pas conscients apparait aussi, ainsi que pour les six autres processus sensoriels, y compris la pensée. Lorsque la concentration est forte, nous pouvons avoir conscience de nombreux objets. Comme pour le piano, nous frapperons les mauvaises touches au début. Mais lorsque nous verrons les objets se succéder d’instant en instant, nous aurons atteint cette première connaissance profonde. ② tīranapariññā. Nous en venons à réaliser que le corps n’est pas solide. Le Buddha a comparé le corps à un torrent de montagne ou à la flamme d’une bougie qui change à chaque instant. Un philosophe grec disait qu’on ne peut se baigner deux fois dans la même rivière. Cette compréhension élimine la triple hallucination des perceptions, des vues et des pensées. Nous croyons erronément en temps normal que c’est la même personne d’un instant à l’autre, que les choses sont plaisantes et que « nous » faisons ou expérimentons. En réalité, notre volonté ne compte pas, tout est conditionné. Ce que nous voyons et entendons nous est aussi imposé. En éliminant cette triple hallucination, nous dissipons les fantasmes de taṇhā, l’attachement, māna, l’orgueil et diṭṭhi, les vues fausses qui prospèrent grâce à l’ignorance. Ouvrir l’œil de sagesse dissipe l’ignorance comme la lumière l’obscurité. Sammādiṭṭhi, c’est la compréhension de l’impermanence, de la souffrance et du non-soi. ③ pahānapariññā.

Il y a trois types de souffrances : ❶ dukkhadukkha, les maux universels comme la naissance, le vieillissement, la maladie, la mort, l’association au déplaisant, la séparation des êtres aimés, la frustration, le chagrin, les lamentations, le désespoir. ❷ vipariṇāmadukkha, la souffrance due au changement. Le bonheur devient malheur et la santé, maladie. Nos situations changent constamment. ❸ saṅkhāra dukkha est plus difficile à comprendre. Tout change d’instant en instant. C’est un processus constant. Le changement est dû aux conditions sous-jacentes et il ne s’agit pas de la transformation d’une même chose. Les scientifiques occidentaux diront que la chaleur devient mouvement mais, pour les bouddhistes, la chaleur conditionne le mouvement et est distincte de lui.

Cette compréhension vient de la pratique (sammāvāyāma, sati et samādhi). Il importe d’être très précisément conscient de l’instant présent et de fournir un effort à chaque instant. L’attachement est la cause principale de notre souffrance, mais l’attention nous fait voir la colère et le bonheur apparaître puis disparaître. Il faut les accepter sans réagir, ainsi notre esprit est-il équilibré. Un observateur détaché peut vivre partout en paix.

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