Désir de progresser et prise de note

Lorsque l’on entend parler des bénéfices de la pratique, de la possibilité d’interrompre le saṃsāra, d’échapper au risque de reprendre naissance dans les mondes inférieurs, le désir d’obtenir ces choses va normalement survenir en nous. Ce noble désir est appelé chanda en pali. Mais lorsque nous pratiquons, nous devons oublier cette aspiration et noter tout ce qui pénètre en nous par les six portes sensorielles. Il est difficile de maintenir l’esprit sur l’abdomen. L’esprit se rebelle, s’échappe, vagabonde, est difficile à contrôler. C’est pourquoi il faut étiqueter soulèvement et abaissement chaque fois qu’ils se produisent, de cette façon, l’esprit s’échappera moins facilement. Il faudra aussi étiqueter tous les autres contacts sensoriels. Si on parvient à le faire avec précision, la confiance va venir. Mahasi compare la prise de note au lancer énergique d’une poignée de boue sur un mur : si la note est efficace, l’esprit va adhérer à l’objet et ne se décollera plus facilement. Ainsi, la joie, la confiance, le désir de noter davantage vont se manifester. Si l’esprit vagabonde à l’inverse, l’ennui, l’aversion ou le découragement pourraient se manifester. Mais désormais le yogi peut voir les pensées au moment où elles surgissent et les voir disparaître aussitôt. Les mouvements de l’abdomen lui apparaissent de plus en plus subtils et il peut avoir l’impression de ne plus pouvoir noter aussi bien qu’auparavant. C’est parce qu’il ne voit plus tant la forme extérieure. Il en va de même à la marche : au début, il n’est pas facile de maintenir son attention sur le mouvement des pieds, mais peu à peu l’esprit s’absorbe dans ce mouvement, qui apparaît d’abord côte à côte avec la forme et puis tout seul, sans que la forme ne soit plus perçue. À ce moment, le temps semble passer très vite. Il n’est plus possible d’étiqueter et il ne faut plus le faire.

Le yogi qui entend que vipassanā permet de comprendre la véritable nature du corps et de l’esprit va désirer obtenir ce résultat. Il est très difficile de ne pas développer cet état d’esprit. Mais au moment de la pratique, il faut mettre cette noble intention de côté et se contenter d’observer l’instant présent. Si ce désir ce manifeste, il faut le noter. Nourrir ce désir au moment de la pratique est aussi vain que nourrir le désir enfantin de marcher sur son ombre. Il faut comprendre la véritable nature des phénomènes : anicca, dukkha, anatta. L’une des qualités du Dhamma est ehipassika : la possibilité de le comprendre par soi-même. Cette connaissance apporte la joie. Or c’est en étiquetant que la concentration va se manifester, sans quoi, on pensera beaucoup. Pour cela, il faut développer une énergie mentale (ātāpa) qui nous permettra de contrôler l’esprit.

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