Douleurs et plaisirs non sensuels par rapport au progrès

Le Mahāsatipaṭṭhāna sutta évoque trois types de ressentis : agréables (sukha vedanā), désagréables (dukkha vedanā) et neutres (adukkhamasukha ou upekkhā vedanā). Les yogis attentifs expérimenteront d’abord les sensations désagréables, sauf s’ils sont impatients et changent régulièrement de posture. Si leur attention est très forte, ils expérimenteront les ressentis agréables. Les ressentis neutres sont difficiles à comprendre mais les yogis diligents peuvent parvenir à les connaître. Les trois types de ressentis peuvent être sensuels (sāmisa) ou non (nirāmisa).

❶ Sāmisa sukha. Les êtres ordinaires vivent dans le monde des plaisirs des sens (kāmabhava). Nous nous complaisons dans les visions, sons, odeurs, saveurs, touchers ou pensées agréables. Nous nous réjouissons de toutes sortes de possessions (voitures, maisons, vêtements, éducation, intelligence, parties du corps). Si nous avons belle allure, cela nous rend heureux. Le but du méditant est de ne pas s’attarder à ces plaisirs mais de se maintenir sur l’objet primaire. Or son esprit s’égare dans des pensées liées à ces possessions. Nous pouvons tout imaginer en pensée. L’esprit fantasme, se souvient avec délectation. Si la pensée est agréable, il faut noter simplement « heureux », et ce sentiment de bonheur disparaîtra. Si nous ne la notons pas, inévitablement, nous souffrirons, car le désir va pénétrer.

❷ Nirāmisa sukha. Le yogi travaille dur et note sans interruption les mouvements de l’abdomen et les autres objets des sens qui se manifestent. Il expérimente dureté, douceur, chaleur, etc. partout dans le corps. Peut-être voit-il même les phénomènes apparaître et disparaître. Il constate à la fin du soulèvement que celui-ci a cessé d’exister. Il voit une succession de petits mouvements à l’intérieur du soulèvement. Sa confiance est renforcée et il expérimente une joie qui n’est pas associée aux plaisirs sensuels. Il est calme et sans désir, colère ou attachement. De monotone, la pratique devient intéressante, comme du pain que l’on finit par apprécier après l’avoir mâché longtemps. Nous ne ressentons plus le besoin de l’agrémenter de toutes sortes de condiments.

❸ Nirāmisa dukkha. Vipassanā signifie expérimenter tout ce qui se manifeste dans le corps et l’esprit. Tôt ou tard, inéluctablement, la fatigue, des tensions, de la dureté, etc. (kāyika dukkha) vont se manifester. Le yogi les observe et continue d’observer quand elles s’intensifient.  Elles suscitent le découragement et la colère (cetasika dukkha). En poursuivant l’observation, le yogi remarque que cette sensation n’est pas continue, croît, décroît, se transforme, disparaît pour réapparaître ailleurs. Il est en mesure de l’accepter et n’a plus peur. Il se sent heureux et en paix. Cette observation de la douleur n’est donc pas fataliste mais optimiste, car elle permet de se libérer de la souffrance.

❹ Sāmisa dukkha.  Si notre voiture est volée, ou que des êtres chers disparaissent, nous sommes tristes et ne parvenons pas à contrôler notre esprit. Quand nous notons, le chagrin n’apparaît pas.

❺ Nirāmisa upekkhā. Nous expérimentons l’apparition et la disparition rapide des sensations douloureuses. Nous nous habituons à voir une succession de petites phases du mouvement. L’esprit mûrit et se stabilise. À force de travail, l’esprit est devenu très tranquille entre ressentis agréables et désagréables. Les louanges comme les critiques nous laissent équanimes, ce qui nous aidera dans la vie de tous les jours d’ici la libération.

❻ Sāmisa upekkhā. Ces ressentis sont très courants dans la vie quotidienne mais s’ils surviennent pendant la méditation, il faut les noter.

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