La diligence

Hier, j’ai expliqué le vers du Dhammapada : « appamāde pamodanti ». Lorsque l’attention des yogis est continue et qu’ils peuvent noter immédiatement tous les objets, quels qu’ils soient, qui apparaissent aux six portes des sens, la joie apparaît en eux. Ils sont heureux de vivre dans le domaine des êtres nobles (ariyānaṃ gocare ratā). Les yogis font alors l’expérience de la claire compréhension de la non-illusiion (asammoha sampajañña).

Aujourd’hui, j’ai choisi une autre stance pour encourager et énergiser les yogis. C’est une grande chance de pouvoir écouter les mots mêmes du Buddha : uṭṭhānenappamādena, saṃyamena damena ca; dīpaṃ kayirātha medhāvi, yaṃ ogho nābhikīrati. Cela signifie qu’à travers l’attention diligente, la discipline morale et le contrôle des sens, les yogis vont acquérir la sagesse, c’est-à-dire la vision pénétrante, et, grâce à celle-ci, seront comme des îles qu’aucun déferlement ne pourra submerger.

Uṭṭhāna, c’est la diligence. Les yogis se voient tout le temps rappeler de déployer l’effort physique (kāyika viriya) et mental (cetasika viriya). Le Buddha était très sérieux sur ce point. Il ne faut pas le faire seulement pendant la méditation, mais aussi pour tous les travaux ou études que nous entreprenons. C’est l’effort pour vipassanā qui est le plus important, car notre but est de nous extraire du saṃsāra, des déferlements qui nous submergent.

Comment déployer une énergie physique et mentale? En notant de façon rapprochée tous les objets qui apparaissent aux six portes des sens. Au début, il faut adopter une bonne posture, le dos et la tête droits, afin de s’éviter des tensions. Cela demande une forte énergie et concentration. L’énergie mentale est la plus importante. Il ne faut pas s’inquiéter si on ne perçoit pas encore le début et la fin des mouvements de l’abdomen. Ce qui compte, c’est la détermination à y parvenir. Après une heure de méditation assise, il ne faut pas penser « je vais me reposer ». Si l’attention est bonne, peut-être percevrons-nous les yeux s’ouvrir ou l’intention de se lever. On note « ouvrir », « bouger la main », « se lever », etc. On se lève tout doucement. La compréhension peut surgir à tout moment, la réalisation de l’impermanence (anicca), de la souffrance (dukkha) ou du non-soi (anatta). C’est pourquoi Mahasi Sayadaw enjoint de noter toutes les actions de façon respectueuse.

Je ne peux pas mentionner toutes les activités auxquelles le yogi doit prêter attention (laver la vaisselle, s’habiller, ouvrir une porte, etc.). Le yogi ne doit jamais laisser son esprit aller à sa guise, sinon les kilesa peuvent entrer à tout moment. C’est comme ouvrir une fenêtre et laisser l’air s’engouffrer. Nous ne sommes en effet encore que des puthujjana et avons encore beaucoup de pollutions mentales (kilesa): l’avidité (lobha), l’aversion (dosa), l’ignorance (moha), etc. À l’aide d’uṭṭhāna, nous pouvons combattre ces kilesa.

Pour être conscients des objets, nous avons besoin non seulement de l’énergie, mais aussi de l’aspiration (chanda). Les yogis ont cette qualité, ils veulent pratiquer, comprendre le Dhamma, atteindre les connaissances vipassanā et l’illumination.

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