La garde des six portes sensorielles

Les quatre āsava sont kāmāsava, bhavāsava, diṭṭhāsava et avijjāsava. Lors de l’offrande de repas du matin, nous faisons le vœu de nous en libérer et d’atteindre nibbāna : Idaṃ me puññaṃ āsavakkhayāvahaṃ hotu.

Pour y parvenir, il faut garder les six portes des sens. Il ne faut pas lire l’Abhidhamma pour comprendre comment s’y prendre.

❶ Dans la vision, il y a la sensibilité de l’œil (cakkhupasāda), l’objet visible (rūpārammaṇa) et la conscience visuelle (cakkhuviññāṇa). Sans l’attention, nous pourrions croire que nous entendons, sentons, goûtons, touchons ou pensons par l’œil.

❷ Lorsque nous entendons, nous devons noter attentivement et précisément. Pour que l’audition se produise, il faut trois choses : sotapasāda, sotārammaṇa et sotaviññāṇa, mais il faut aussi l’attention. Si nous sommes absorbés dans l’observation de l’abdomen, nous n’entendrons pas les sons. Une très grande attention permettra de percevoir une césure entre les syllabes ou de « voir » le son s’estomper et disparaître. Il n’y a alors pas d’attachement. Sans attention, des images créées par l’esprit apparaissent, comme une femme si l’on entend une voix féminine. Le contact (phassa) amène le ressenti (vedanā) agréable ou désagréable, qui amène le désir (taṇhā). Si ce désir est fort, il amène un attachement très fort (upādāna) qui nous privera de la paix physique et mentale.

Nanda, le cousin du Buddha avait accepté par respect la proposition du Buddha de se faire moine, mais il ne parvenait pas à noter l’objet, entendant toujours la voix mélodieuse de sa promise. Il nous faut donc garder l’esprit et noter chaque fois que nous entendons, sans laisser le ressenti, le désir et l’attachement se développer, nous limitant au seul son que nous verrons alors peut-être disparaître.

❸ Si nous ne sommes pas attentifs au processus olfactif, qui se compose de ghānapasāda, gandhārammaṇa et ghānaviññāṇa, une odeur désagréable pourrait donner naissance à la colère.

❹ Sans attention, nous ne goûterons rien et mangerons avidement pour remplir l’estomac. En notant « mâcher », nous verrons la salive (élément eau) s’accumuler et reconnaîtrons le doux, l’amer, le salé, etc. Nous distinguerons l’esprit (la conscience gustative), de la matière (la langue et les saveurs). C’est sammādiṭṭhi.

❺ Le soulèvement et l’abaissement de l’abdomen, les sensations de chaleur ou de froid, relèvent aussi du toucher. S’il note attentivement, le yogi réalise que c’est l’élément air qui pousse l’abdomen, il distingue la conscience du corps d’une part (mana, viññāṇa ou citta) de la sensibilité (kāyapasāda) et de la sensation de l’autre (rūpa).

❻ Il y a la pensée et l’esprit qui la note. Le subconscient va créer toutes sortes d’imaginations et de pensées dans l’esprit chaque fois que l’on voit, entend, goûte, sent ou touche. Si on les note, on les verra cesser.

Il faut donc bien garder les facultés sensorielles comme le cocher du sutta qui conduit facilement le char à quatre chevaux car il est habile, la route est bien tracée, et les chevaux bien dressés. Ainsi vivrons-nous heureux et en paix et éliminerons-nous les āsava.

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