La nature du corps et de l’esprit

Il est plus facile de comprendre en quoi consiste le corps que l’esprit. Si on nous demande si nous avons un esprit, nous répondrons « oui », mais si on nous demande si nous l’avons vu, c’est plus difficile. Selon les bouddhistes, l’esprit, ou la conscience (citta), c’est ce qui connaît ou expérimente l’objet. Un cadavre ne sait rien. Nous mangeons le corps des animaux morts et vice versa. Tant que le corps et l’esprit sont en interrelation, la vie se perpétue.

Où est l’esprit ? Il faut distinguer âme et esprit. Les Indiens qui ont précédé le Buddha croyaient en une âme individuelle (jīva atta) qui réside dans le corps, est créée par Brahma, appartient au corps, capable d’expérimenter et de ressentir. Mais ils n’avaient jamais vraiment observé l’esprit. Selon le Buddha, l’esprit apparaît quand on voit, entend, sent, goûte, touche ou pense et se trouve donc au niveau de la base sensorielle au moment du contact. Chaque sens a un objet spécifique, l’œil par exemple est incapable d’entendre. L’esprit étant très rapide, on ne voit pas que la conscience auditive et la conscience visuelle sont distinctes, et on croit erronément que c’est la même conscience qui voit et entend. Seule une concentration de haut niveau permet de le voir. Les yogis notent toute la journée et notent tous ces contacts, s’ils voient, ils savent qu’ils voient, etc. Le yogi pourra le comprendre directement à l’intérieur de lui.

Comment apparaît l’esprit ? Pour qu’il apparaisse, il faut que plusieurs conditions soient remplies. Pour la conscience visuelle par exemple, il faut qu’il y ait ❶ une sensibilité effective de l’œil, ❷ que l’objet ne soit ni trop près, ni trop loin, ❸ un contact réel entre l’objet et la base sensible, ❹ la lumière, ❺ l’attention. Il en va de même pour la conscience tactile, par exemple, lorsque le yogi observe le soulèvement de l’abdomen et qu’il expérimente l’objet par la porte du corps. Il faut qu’il y ait ❶ un mouvement effectif (l’objet), ❷ un contact et ❸ l’attention. Si un seul élément manque, la conscience ne peut apparaître.

Cette conscience ne dure pas et disparaît aussitôt apparue. Il s’agit d’une connaissance vipassanā. Nous croyons généralement que la vision perdure, mais il s’agit en réalité d’une succession très rapide de consciences visuelles. Le yogi comprend que rien n’existe de façon permanente dans le corps. Il comprend les trois caractéristiques de anicca, dukkha et anatta. Tant que la sagesse n’émerge pas, les vues fausses prédominent. Nous comprenons que lorsque les apparitions et disparitions cesseront, ce sera la mort. L’esprit est en état de flux, comme une rivière, il n’est jamais le même, il n’y a pas de « je ». Nous croyons erronément que la lumière de la bougie existe en elle-même, mais sans la mèche et l’huile, elle ne peut exister. En comprenant anatta, les pollutions mentales disparaissent. C’est le but de vipassanā : purifier son esprit par une observation précise du corps et de l’esprit.

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