L’attention, le chemin de la non-mort

Pour compléter l’enseignement d’hier à propos de la marche, signalons qu’il faut pratiquer une attention générale aux pas pour tous les déplacements en dehors de la méditation en marche formelle. Il s’agit d’une attention moins détaillée. On adopte une allure normale. Au lever, on peut pratiquer ainsi 30 ou 45 minutes afin d’être à l’aise physiquement. On note seulement « marcher ».

Afin d’inspirer les yogis, je vais réciter une stance du Buddha:

appamādo amatapadaṃ, pamādo maccuno padaṃ.
appamattā na mīyanti, ye pamattā yathā matā.
L’attention est le chemin de la non-mort, l’inattention, celui de la mort.
Celui qui est attentif ne meurt pas et celui qui est inattentif est comme mort.

La naissance (jāti), le vieillissement (jarā), la maladie (vyādhi), la mort (maraṇa) sont inévitables, comme l’a enseigné le Buddha, sauf si on atteint nibbāna. À travers la compréhension du corps et de l’esprit, la sagesse, on peut y parvenir. C’est le sens de cette stance. Pour y parvenir, il faut être attentif aux cinq agrégats ou, en bref, au corps et à l’esprit.

Kāyānupassanā, l’observation du corps, porte sur toutes les actions physiques. À l’assise, les yogis ne bougent pas mais peuvent voir le mouvement de l’abdomen. Les débutants, s’ils ont beaucoup de douleurs, doivent bouger. Lorsque l’attention sera mûre, on pourra voir la nature du corps et de l’esprit, les apparitions et disparitions, l’impermanence, la souffrance et le non-soi. C’est la vue juste (sammā diṭṭhi) qui permettra de réaliser l’illumination. Il faut prêter attention aussi aux activités quotidiennes et ne pas penser « après l’assise, je vais me relaxer ». Il faut au contraire emporter l’attention avec soi. Même lorsque l’on se repose, il faut être attentif aux mouvements et à la posture. Lorsqu’on ouvre les yeux, il faut le noter. Lorsqu’on est à la salle de bain, il faut noter aussi.

Vedanānupassanā, c’est l’observation des ressentis. Après quelque temps, des ressentis désagréables peuvent apparaître: douleurs, engourdissements, raideurs, duretés, etc. À ce moment-là, il faut observer directement la sensation douloureuse et oublier l’abdomen. C’est aussi le sens de « appamādo amatapadaṃ ». On peut voir les douleurs clairement et à fond et développer la compréhension, paññā. Les ressentis aussi sont impermanents (anicca), insatisfaisants (dukkha) et impersonnels (anatta). De cette façon aussi, nous atteindrons l’illumination. L’arhat a complètement échappé à la souffrance. Une fois que les yogis ont compris et voient clairement anicca, ils comprennent automatiquement aussi dukkha et anatta. Essayez de vous montrer patients face aux douleurs. Il faut les voir comme de bons amis qui permettent d’échapper à la souffrance et à la mort. Un esprit concentré (samādhi) permet de voir des objets très subtils ou menus, de façon très claire. Mahasi Sayadaw a dit que la patience menait au nibbāna. Lorsque l’esprit se concentre sur la douleur, celle-ci pourrait s’accroître. Le yogi pourrait voir différentes qualités de la douleur. Il pourrait la voir s’atténuer ou alors, rester stable. Parfois, il note la douleur à un endroit et elle réapparaît à un autre. Cela correspond à des qualités d’attention différentes mais cela montre que celle-ci s’améliore et devient continue. Si elle était interrompue, on ne pourrait pas voir tout cela. Il ne faut donc pas se décourager. Si on parvient à tenir une heure de méditation assise, la confiance va nous gagner et on sera moins découragé par les douleurs. C’est déjà un type de progrès. On a développé une forme d’énergie mentale.

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