Le sens de l’urgence

Le sens de l’urgence (saṃvega), est un sentiment de malaise, d’anxiété, d’une menace. Siddhattha vécut une jeunesse agréable jusque 29 ans, aimé et protégé par son père. Les devins avaient prédit qu’il deviendrait un monarque universel ou un Buddha et son père qui voulait éviter la seconde possibilité mit tout en œuvre pour qu’il ne rencontre ni vieillard, ni malade, ni cadavre ni renonçant. Mais les devā arrangèrent toutes ces rencontres une à une. Le Buddha perdit l’envie de s’amuser. Il se sentait menacé. Lorsqu’il vit le quatrième signe : un moine serein et attentif, il comprit que là se trouvait le moyen d’échapper à la vieillesse, la maladie et la mort.

Nous devons aussi éveiller saṃvega en nous, même si son degré reste inférieur à celui du Buddha. Nous devons prendre conscience que, faute d’atteindre l’illumination, nous serons condamnés à revivre le cycle de naissance, de maladie et de mort.

Les catastrophes naturelles plus fréquentes qu’au temps de nos parents, le cyclone Nargis, le séisme au Sichuan, le typhon aux Philippines, devraient nous amener à penser que si nous avons eu la chance d’y échapper, il n’en ira pas toujours ainsi. Les pays développés ne sont pas à l’abri. Le Buddha nous a enjoint de rester vigilants.

Une renaissance dans le plan humain est rare. Le Buddha a dit que les plans de misère (apāya) étaient notre demeure, ce qui signifie que nous y renaissons plus souvent.

La course effrénée après l’argent et le confort matériel, qui n’épargne même plus les animaux dont on exige un rendement toujours plus élevé, devrait aussi faire naître en nous saṃvega. Le nombre de tentations est énorme et les gens ne se fatiguent des efforts à leur poursuite.

La peur de la vieillesse, de la maladie et de la mort nous rendrait moins insouciants et nous donnerait de l’énergie mentale. Seuls les yogis très attentifs, qui voient les apparitions et disparitions, voient qu’ils vieillissent à chaque instant, et qu’il leur faut courir pour échapper à la mort. Ordinairement, les pollutions mentales nous le cachent.

Nous ignorons ❶ combien de temps il nous reste, ❷ quelle maladie nous emportera, ❸ quand nous mourrons, ❹ où nous serons enterrés, ❺ dans quel plan nous renaîtrons. Tant que nous sommes en vie et avons une santé suffisante, nous devrions pratiquer avant d’être vieux.

A 16 ans, la peur m’a envahi alors que j’ai vu le cadavre de mon professeur que l’on sortait du cercueil la veille de l’incinération, enveloppé dans du plastique, le liquide s’échappant du corps, la peau comme du tissu. Il en ira de même pour moi pensai-je. Une autre fois notre avion traversa les turbulences d’un typhon au-dessus des Philippines et j’ai cru que mon heure était venue.

La contemplation de la mort aide à susciter saṃvega : « la vie est incertaine, la mort est certaine ».

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