Le sens de l’urgence

Selon le Mahāsatipaṭṭhāna sutta, les quatre fondements de l’attention (satipaṭṭhāna), l’attention au corps, aux ressentis, aux consciences et aux dhammas, sont le seul moyen de purifier les êtres et d’atteindre la libération. Hier, nous avons examinés les deux premiers d’entre eux: kāyānupassanā et vedanānupassanā, par rapport à une stance du Dhammapada.

Selon les instructions, l’attention doit être continue. Si elle est interrompue par les empêchements, on ne pourra voir la nature réelle des phénomènes, impermanente, insatisfaisante et impersonnelle. Sans voir la nature du corps et de l’esprit, on ne pourra atteindre nibbāna. Il faut donc être attentif à chaque instant sans exception. Il faut noter l’objet qui est évident, c’est pourquoi, on commence par les mouvements de l’abdomen, assez évidents. Quand on parvient à bien voir l’objet primaire, tous les autres objets seront perçus clairement par l’attention.

Une fois que nous avons atteint le premier stade d’illumination, le stade de sotāpanna, nous coupons les liens avec le saṃsāra. Nous renaîtrons dès lors sept fois au maximum et dans des plans heureux (sugati), célèstes ou humains. Nous n’accomplirons dès lors plus aucun acte très néfaste. Mais si l’attention n’est pas assez forte, nous n’avons aucune chance d’atteindre la libération et sommes condamnés à l’errance dans le saṃsāra.

Dans le Dhammacakkappavattana sutta, le Buddha explique « jāti dukkha, jarā dukkha, etc. » La naissance est souffrance, le vieillissement, la maladie, la mort, être séparé de ce qu’on aime, associé à ce qu’on n’aime pas, en bref, tout ce qui est sujet à l’attachement aux cinq agrégats est souffrance. Le monde est empli de divers types de souffrances. Voyant cela, poussé par le sens de l’urgence, saṃvega, le yogi s’efforce d’être attentif, applique sammā vāyāma, l’effort juste. Les yogis sont très chanceux de connaître l’enseignement du Buddha. Il s’agit d’une belle opportunité.

S’il est habité de saṃvega, le yogi pratique avec diligence, établit fermement l’attention. La colère, le désir, le souci, l’inquiétude et les autres pollutions mentales ne l’habitent plus. L’esprit est frais et, en conséquence, le corps est à l’aise, dans le confort. Le Dhamma, c’est-à-dire la nature du corps et de l’esprit, sont avec le yogi. Cela suscite bonheur et réjouissance en lui

Ce n’est pas possible au début, mais le yogi essaie. Il y a des difficultés comme les douleurs. Le yogi fait preuve de patience. À terme, il pourra les noter. L’objet primaire est l’abdomen. Les objets secondaires sont les pensées, douleurs, contacts sensoriels comme voir, entendre, sentir, goûter, toucher. Lorsqu’on observe l’abdomen ou les douleurs, subitement, des pensées malvenues emportent l’esprit ailleurs. S’il ne note pas ces pensées, il va les suivre sans fin. Si sa pratique est diligente et qu’il utilise de l’énergie mentale, il en prendra conscience assez rapidement, après une minute par exemple. Sinon, il pourrait être absent cinq, dix, voire vingt minutes. Lorsque l’esprit est bien attentif, il n’y a pas de place pour la pensée et la concentration s’établit. L’esprit est rivé à l’objet. Si l’objet est la douleur, le yogi voit ses différentes qualités. Si l’objet est une pensée, il voit comment une conscience apparaît et disparaît ensuite. Le yogi commence alors à s’intéresser à la pratique. Il devient capable de voir la nature des phénomènes et une sorte de ressenti plaisant apparaît. Il ne voit plus bêtement le soulèvement et l’abaissement de l’abdomen, il voit aussi différents types de qualités de douleurs: perçantes, pressantes, etc. S’il voit qu’il peut noter deux ou trois minutes sans interruption, il en retire de la satisfaction. Il comprend les bénéfices de la pratique.

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