Les cinq agrégats

II y a deux réalités : conventionnelle et ultime (au-delà des concepts et des formes) Ce qu’on voit dans la vie de tous les jours n’est pas la réalité, nous nous arrêtons aux concepts. Même les termes d’impermanence, souffrance et non-soi ne sont jamais que des noms qui ne peuvent être compris comme tels. Nous voyons la personne aussi comme un concept. Mais il faut l’analyser comme les scientifiques. Le Buddha a parlé de cinq agrégats.

Comme une voiture, le corps physique se décompose en différents membres, eux-mêmes décomposés en kalāpa, puis en 4 éléments. Ces quatre éléments sont populaires dans la philosophie grecque également. Les qualités de lourdeur et de légèreté sont la manifestation de la terre, celles de cohésion, de l’eau, celles de la chaleur et du froid, du feu et celles du mouvement, de l’air. Ces éléments apparaissent et disparaissent constamment. Quand nous pratiquons la méditation, nous devons expérimenter ces réalités-là. Quand la concentration du méditant est très forte, il ne voit plus un corps solide ou la forme du corps. Selon les écritures, ces éléments changent 5 milliards de fois à chaque instant. Comme pour un torrent de montagne, ce flux ne cesse jamais.

❶ Les sensations et ressentis physiques et mentaux, grossiers et subtils (vibrations, contact visuel, auditif…), c’est vedanā en pāḷi. Les ressentis aussi apparaissent par milliards à chaque instant. Au départ, le méditant expérimentera des ressentis grossiers, douleurs, chaleur, froid, pression, chatouillements, mais quand ils disparaitront, le méditant réalisera qu’il y a aussi beaucoup de ressentis subtils comme des vibrations ou des courants d’énergie qui sont la manifestation des kalāpa. La vision ou l’audition aussi donnent lieu à des ressentis très subtils, ainsi que les autres organes des sens. Les sens sont comme des portes ouvertes. La douleur est un processus composé de nombreuses sensations. II faut essayer de l’observer précisément. C’est comme la chaleur d’un feu, Il s’agit d’un processus. Les ressentis sont de très bons objets de méditation en raison de leur clarté. Ils permettent de comprendre rapidement la nature du changement.

❷ Les perceptions, comme les ressentis, apparaissent à chaque contact sensoriel. Elles reconnaissent l’objet des sens.

❸ Les formations mentales (aimer/ne pas aimer) ou formations kammiques. Nous réagissons en fonction de nos perceptions et ressentis. Nous développons ainsi des énergies mentales bénéfiques ou néfastes (saṅkhāra).

❹ La connaissance de l’objet, c’est la conscience.

Le Buddha a déclaré que lorsque ces agrégats naissent vieillissent et meurent à chaque instant, nous aussi naissons, vieillissons et mourrons. Si nous observons une douleur comme douleur, nous restons au niveau du concept. Nous devons essayer de ne pas juger ou voir la forme de la douleur. Si nous continuons à l’observer patiemment, sans donner de nom, sans développer ni goût ni aversion, nous finirons par la voir objectivement, au-delà du concept.

Autrefois, le vieil homme Māluṅkyaputta demanda humblement au Buddha de lui enseigner la méditation très brièvement afin de pouvoir pratiquer par lui-même. Māluṅkyaputta comprit très vite qu’il faut s’arrêter à la vision, à l’audition, etc. sans aller jusqu’à nommer l’objet et développer le désir ou l’aversion. Ainsi verra-t-il ces contacts sensoriels apparaitre et disparaitre. II faut observer ces phénomènes comme à distance. En les voyant objectivement, il sera libre des hallucinations.

II y a trois types d’hallucinations : ❶ concepts ou pensées (nous pensons les objets comme permanents, bonheur et soi), ❷ perceptions (nous percevons ainsi), ❸ vues (nous envisageons ainsi). Mais le méditant comprend l’impermanence du corps, des ressentis, des contacts sensoriels et de la conscience.

Si nous comprenons directement par nous-mêmes l’impermanence, nous comprenons ce que signifient réellement dukkha et le non-soi : ces choses qui changent constamment ne sont pas désirables. Nous ne pouvons pas y trouver une entité permanente, une personnalité. II n’y a personne qui contrôle ce processus. Tout est conditionné et conditionnant, en interrelation.

Ainsi comprenons-nous la première noble vérité. cakkhukaraṇī ñāṇakaraṇī upasamāya abhiññāya sambodhāya nibbānāya saṃvattati. La pratique de la méditation ouvre l’œil de la sagesse et permet de voir les choses clairement.

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