Les quatre satipaṭṭhāna

andhabhūto ayaṃ loko, tanukettha vipassati. sakuṇo jālamuttova, appo saggāya gacchati. « Le monde est aveugle, peu voient de façon pénétrante. De même que peu d’oiseaux s’échappent du filet, une destinée heureuse après la mort est rare. » Seul le troisième entraînement (paññā sikkhā) permet de développer la vision correcte, mais les deux premiers (sīla et samādhi) constituent une base indispensable.

Nous entraînons l’esprit au moyen des quatre satipaṭṭhāna. Nous devons fournir un gros effort au début, notamment pour propulser chaque fois l’esprit vers l’objet. À terme, nous ne voyons plus que le mouvement à l’état pur. Lorsqu’une pensée non sage est présente ou absente en lui, le bhikkhu doit le savoir dit le Buddha. En étant attentifs toute la journée, nous notons des sensations subtiles de chaleur, de froid, de dureté, de douceur, etc., même si nous n’utilisons pas les termes pāḷi pour les éléments : paṭhavī, āpo, tejo, vayo. Nous distinguons l’esprit qui note et la matière. Nous ressentons parfois de la rigidité ou de la dureté à un endroit précis, le contact dans une seule main alors que l’autre est insensible. Chaque yogi fait des expériences différentes. Nous comprenons spontanément qu’il n’y a personne hormis ces sensations, nous comprenons des liens de causalité : entre inspiration et soulèvement de l’abdomen, entre phénomène et prise de note, entre intention et mouvement.

Avec l’énergie de la patience face aux ressentis désagréables physiques (kāyika dukkha), nous parvenons à maintenir la posture. La pratique prend du rythme. Le découragement peut se transformer en chagrin, en colère ou en anxiété. Mais si nous notons ces émotions négatives (cetasika dukkha), l’esprit se stabilise, devient frais et calme, ce qu’il faut noter aussi. Ainsi nous comprenons que l’esprit aussi change constamment.

Nous aurons l’impression que l’objet vient à nous, comme si la chaleur par exemple voulait s’imposer à notre attention. Nous noterons les objets comme les oiseaux qui attrapent chaque graine qui leur est jetée, sans en manquer une. À peine le premier objet disparu, un nouveau apparaît, de façon incessante. Le mouvement apparaît constitué d’une succession de petits mouvements, comme une colonne de fourmis séparées les unes des autres que nous avions pris erronément pour une corde.

Le Buddha nous dit que la nature de l’esprit est pure mais qu’il est obscurci par les pollutions mentales (kilesā). Certains méditants expérimentent des lumières, une forte joie, un calme inédit, une solitude plaisante mais il faut noter ces états aussi sous peine d’enrayer le progrès.

Anāthapiṇḍika avait un fils (Kāla) qui ne voulait pas pratiquer. Il lui offrit d’abord 100 dollars pour qu’il passe une nuit au temple puis 1000 dollars pour qu’il lui rapporte un enseignement du Buddha. Kāla se montrait désinvolte au début mais finalement il atteint le stade de sotāpanna et eut honte (hirī) de son comportement antérieur. Si notre attention devient puissante, nous pouvons aussi atteindre l’illumination dans cette vie-même. Au stade où le yogi voit les objets disparaître avant d’avoir pu les noter, il comprend le danger du saṃsāra.

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