Les réalisations possibles pendant la marche

L’instruction du Mahāsatipaṭṭhāna : « gacchanto va gacchāmi ti pajanāti », est très simple et peut être comprise des jeunes comme des vieux. Mais son application est difficile car il faut maintenir l’esprit attentif à l’intérieur de nous. Nous ne pratiquons que dans les quatre postures. Mahasi instruit d’être attentifs à toutes les parties du mouvement, ce qui n’est pas possible au début. Il faut construire peu à peu l’attention en notant une, deux puis trois phases du pas.

Sans l’attention, l’enseignement du Buddha nous restera inaccessible. Nous dirons du mouvement qu’il est mien, moi et mon ego. L’omniscience du Buddha lui a permis d’enseigner cette réalité et il nous a invités à venir voir par nous-mêmes.

J’ai évoqué déjà les trois types d’énergies dont la première est ārambha dhātu : pendant une heure ou deux, nous faisons une note par pas et quand nous sommes capables de suivre le mouvement sans trop penser, nous passons à deux notes par pas et déployons nikkamma dhātu. L’esprit ne s’envole plus. Le yogi remarque qu’il n’y a que le mouvement et l’esprit qui note. S’il est très doué, il perçoit l’intention avant de lever ou d’avancer le pied par exemple. Il percevra peut-être la fin de chaque phase du pas. On pourra voir de l’extérieur qu’un tel yogi se comporte de façon douce et composée.

Au début, même si nous ressentons déjà bien le mouvement, l’image d’un pied qui s’avance nous reste. Plus tard, cette image disparaîtra et ne resteront que les sensations de légèreté, lourdeur, douceur, dureté, etc. qui se manifesteront spontanément. Nous pourrons alors répondre aux trois questions suivantes : ❶ Qui avance ? ❷ À qui appartient ce mouvement ? et ❸ Pourquoi le mouvement a-t-il lieu ?

Un puthujjana ne peut comprendre qu’il n’y a que l’esprit et le mouvement, qu’ils sont impermanents, insatisfaisants et impersonnels. C’est très difficile à comprendre et sans percevoir les éléments et l’esprit, on croira que cela nous appartient, qu’il y a une âme qui contrôle, nous fait penser, avancer, etc. En réalité, c’est l’intention qui met en mouvement l’élément ‘air’, lequel à son tour pousse le pied vers le haut. Nous faisons surgir la sagesse à l’aide de la concentration. Mais l’élément clef, c’est l’attention qui permet de développer la concentration.

Noter ou observer n’est pas étiqueter. Lorsque nous ressentirons bien le mouvement et ne confondrons plus gauche et droite, nous pourrons cesser d’étiqueter car il sera automatiquement présent, même si une image de pied nous viendra encore à l’esprit. Il faudra alors simplement observer attentivement et ressentir. Le but de vipassanā est de dépasser le concept et de parvenir à la réalité ultime (paramattha). Si nous sommes très attentifs, nous verrons une succession de petites intentions suivies d’une succession de petits mouvements.

L’une des qualités du Dhamma est paccattaṃ veditabbo viññūhi : à réaliser par soi-même individuellement. Cela signifie qu’un sotāpanna ne peut comprendre ce qu’un sakadāgāmi a compris et qu’un non-pratiquant ne peut comprendre ce qu’un pratiquant a compris.

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