Les trois phases des phénomènes

Vipassanā est une introspection du corps et de l’esprit. Une attention développée amène la concentration, c’est-à-dire un esprit pur et clair, dégagé des empêchements (kāmacchanda, byāpāda, thīna-middha, uddhacca-kukkucca, vicikicchā). Comme le dit le Buddha le corps est laid, pourri et non désirable. Le jeune Vakkali s’était fait moine uniquement pour pouvoir contempler la beauté du Buddha. Finalement, le Buddha l’exhorta à pratiquer plutôt que de s’attacher à lui. L’illusion nous empêche de voir le corps comme laid. C’est très difficile à accepter.

Conformément au Mahāsatipaṭṭhāna sutta, nous essayons d’être attentifs à tout ce qui se passe dans le corps et l’esprit. Il faut fournir un effort pour surmonter les empêchements. Si l’esprit adhère à l’objet, ceux-ci vont disparaître. Nous verrons clairement la dilatation et la contraction de l’abdomen qui se soulève et s’abaisse. Nous verrons aussi les autres objets apparaissant aux six portes des sens. Au début, nous voyons à peine la partie médiane, plus proéminente, du soulèvement et de l’abaissement. Après quelque temps, nous en verrons aussi le début et la fin, avec une forme de pression à la fin du soulèvement et une forme de tension vers le bas à la fin de l’abaissement. Il faudra pour cela une attention continue. Il faudra noter respectueusement tous les phénomènes comme un gardien qui ne laisse pas pénétrer les voleurs. Il ne faut rien attendre.

L’objet est noté immédiatement et pas avec quelque temps de retard comme au début. D’autres objets et une foule de petits détails apparaissent spontanément à l’esprit : chaleur, dureté, froid, salive dans la bouche, etc. Nous réalisons la nature transitoire des phénomènes, la souffrance que représente l’apparition incessante de nouveaux phénomènes à noter (dukkha), et l’absence de personne à l’intérieur de ceux-ci. Notre confiance en le Buddha, le Dhamma et le Sangha est renforcée. Ces trois phases des phénomènes correspondent à une naissance, un vieillissement et une mort (jāti, jarā, maraṇa). Elles suscitent la peur et expliquent le sentiment d’urgence qui habitait autrefois Sāriputta et Moggallāna. Mais la force de l’attention stabilise l’esprit qui ne craint plus la mort. Le yogi comprend que tout suit ce processus et comprend en quoi consiste la mort. Il ne la craint plus.

Le Buddha enjoignait de méditer régulièrement le vieillissement qui se produit à chaque instant. Nous n’imaginons pas avant 60 ou 70 ans que nous aussi serons vieux un jour. Outre la chaleur due à la fièvre, à la météo et à la digestion, il existe aussi un feu qui nous consume d’instant en instant, qui fripe la peau et vieillit les dents.

En observant les apparitions et disparitions, nous comprenons que ce corps est laid et non désirable, comme le pêcheur croyant attraper un poisson qui se rend compte qu’il s’agit d’un serpent. Ne soyez pas découragés si vous n’avez pas encore expérimenté ces apparitions et disparitions. Le Buddha demande de fournir un effort, de travailler de façon respectueuse et de ne rien rechercher. La réalisation viendra spontanément avec l’attention.

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