Noter le goût et le toucher

Je poursuis aujourd’hui l’enseignement au sujet du contrôle des sens (dama), et plus spécifiquement, le contrôle du goût. Tous les jours, les yogis prennent un petit déjeuner et un repas de midi. Ils s’abstiennent de toute nourriture solide après midi car ils observent les neuf préceptes. Ils prennent parfois un jus ou, éventuellement, du miel dans l’après-midi s’ils ont très faim. Il est important de contrôler les sens quand on mange. Dans le mahāsatipaṭṭhāna sutta, le Buddha déclare: asite pīte khāyite sāyite sampajānakārī hoti (le yogi doit appliquer la claire compréhension dans ce qui est mangé, bu, mordu ou goûté). La sagesse ou la compréhension apparaissent alors. Il faut essayer d’être attentif depuis le moment où on voit la nourriture sur la table jusqu’à son ingestion complète. J’ai déjà expliqué comment observer toutes les actions impliquées. On doit être attentif aussi quand on boit ou prend son dessert, quand on sirote un thé ou suce un bonbon.

J’ai expliqué comment les yogis pouvaient parvenir à la compréhension en faisant l’expérience des quatre éléments pendant le repas. Ils peuvent aussi percevoir les cinq agrégats: rūpa (nourriture, langue); nāma (lorsqu’ils notent « mâcher »); vedanā (lorsque c’est savoureux ou, à l’inverse, mauvais, les yogis se réjouissent ou sont abattus); saññā; saṅkhāra;viññāṇa. Autrefois au Sri Lanka, les moines devenaient arhats en mangeant attentivement.

Nous pratiquons vipassanā pour nous libérer du cycle des renaissances. Pour cela il faut réaliser magga et phala, le chemin et le fruit. Il est dit dans les écritures qu’un bhikkhu énergique renonce aux quatre ou cinq dernières bouchées de son repas en buvant plutôt de l’eau (cattāro pañca ālope, abhutvā udakaṃ pive. alaṃ phāsuvihārāya, pahitattassa bhikkhuno). Ainsi sera-t-il à l’aise. Il ne sera pas accablé de paresse, de baillements, d’étirements ou de somnolence. Bref, le yogi doit se nourrir correctement mais éviter de manger trop sous peine d’avoir les yeux et la tête lourds et de ne pas parvenir à développer l’attention. Boire de l’eau facilite la digestion. Avec l’attention, le yogi comprend que la langue et l’objet gustatif ressortissent du corps, la conscience gustative et l’esprit qui note, de l’esprit.

Kāyāpasāda, c’est la sensibilité du corps, le sens du toucher, lequel se trouve sur toute la surface du corps. Ressentir une tension par exemple ressortit du toucher. Le plus souvent, nous ne notons pas le toucher sauf certains yogis à qui on instruit de noter « assis, toucher » car ils ne parviennent pas à percevoir le soulèvement et l’abaissement. Lorsque nous notons l’objet primaire attentivement, l’attention se renforce et tout objet qui apparaîtrait aux autres portes des sens nous apparaît clairement. Bref, on ne note pas ces objets secondaires volontairement mais quand l’attention atteint une certaine qualité, ils viennent immédiatement dans le champ de notre attention.

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