Noter les odeurs et les saveurs

Les yogis pratiquent depuis deux semaines déjà avec ardeur, ātāpa, en notant tous les objets aux six portes sensorielles, conformément aux instructions du Buddha: uṭṭhānenappamādena, saṃyamena damena ca. Dama, c’est le contrôle des sens par l’attention. Aujourd’hui, nous allons voir son aspect qui concerne le sens de l’odorat et celui du goût.

Ghāna, c’est le nez, ghānapasāda, la sensibilité du nez, gandhārammaṇa, l’objet olfactif, l’odeur. Alors qu’on note l’objet primaire à l’assise, il se peut (même si c’est rare), qu’une odeur nous parvienne. Qu’elle soit bonne ou mauvaise, il faut la noter. Si on pratique la marche à l’extérieur, on sentira peut-être l’odeur des fleurs. Personne n’aime les mauvaises odeurs mais, si on omet de noter « sentir », on ne parviendra pas à être patient et on se mettra immédiatement en colère. Si nous notons sérieusement l’olfaction, nous pouvons connaître quatre choses: la sensibilité du nez, l’odeur, la conscience olfactive (ghānaviññāṇa) et l’esprit qui note. Les consciences diffèrent selon l’organe des sens auquel elles sont associées et selon l’objet. Existent ainsi par exemple les consciences visuelles ou auditives (cakkhuviññāṇa, sotaviññāṇa) etc., ainsi que les objets visuels ou auditifs (rūpārammaṇa, saddārammaṇa) etc. Je mentionne l’odorat pour ne pas omettre une partie de l’enseignement du Buddha même si, dans la pratique, les yogis mentionnent rarement l’odorat.

Jivhāpasāda, c’est la sensibilité de la langue et rasārammaṇa, c’est l’objet gustatif: amer, doux, aigre, épicé, etc. Quand on place la nourriture dans la bouche, on connaît immédiatement le goût. Si on ne note pas, on ne pourra pas contrôler l’avidité quand le goût est bon. Il faut essayer de mâcher le plus de fois possible avec attention, puis noter « avaler ». Ce sont les deux objets prédominants pendant les repas. Si on veut renforcer l’attention, on peut noter aussi à l’arrivée dans le réfectoire « voir la nourriture », « regarder », « prendre », etc. Il n’est pas nécessaire d’aller trop lentement. On peut ensuite noter « s’asseoir », « porter à la bouche », « ouvrir », « mettre », « déposer la cuiller », etc. Cela fait beaucoup d’objets à observer. Si nous pouvons observer tous les processus au cours du repas, notre compréhension va se développer rapidement.

Que peut-on comprendre ainsi? Si on note « voir », l’esprit ne va pas plus loin que le simple fait de voir. On ne prête pas attention au type de nourriture. Le désir ne peut pas apparaître. Lorsqu’on bouge la main, on observe l’élément « air » (vayo dhātu). Lorsque l’on pose la main, on ressent de la dureté. En mâchant, le contact entre les dents est dur, la nourriture mâchée est tantôt dure, tantôt molle. Cette dureté ou cette douceur, c’est l’élément terre (paṭhavī dhātu). Lorsque l’on sent la salive qui s’accumule dans la bouche, ou lorsque l’on sirote un thé, on fait l’expérience de l’élément eau (āpo dhātu). Il faut de la patience si on veut comprendre la nature de ces processus. Lorsque la soupe est chaude, ou lorsque le repas est épicé, on fait l’expérience de l’élément feu (tejo dhātu). Même si on ne nomme pas ces éléments, on connaît leurs qualités. Selon les textes, beaucoup de moines autrefois au Sri Lanka ont atteint l’état d’arhat en pratiquant l’attention pendant les repas.

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