Pensée juste et profondeur du Dhamma

Je vais poursuivre aujourd’hui l’explication de la stance du Buddha: dhammapīti sukhaṃ seti vippasannena cetasā. ariyappavedite dhamme sadā ramati paṇḍito. Pour parvenir à vivre heureux avec un esprit serein, il faut déployer un effort résolu (āraddhavīriya). Chaque objet sans exception est important et il faut le noter de façon rapprochée car, si la note est rapprochée, une forme de compréhension va apparaître et nous serons satisfaits de notre pratique.

Je dois à nouveau répéter combien l’objet primaire est important. Si nous le notons clairement, tous les autres objets deviendront clairs, même les plus ténus. Nous ferons l’expérience de la claire compréhension (c’est-à-dire voir clairement, à fond et par soi-même). Sans un effort ardent, sati ne peut être fort. Vīriya soutient sati et permet sa continuité. Sans une attention forte, il n’y a pas de concentration. Les trois facteurs sont liés. Il faut développer une attention pour tout: se lever, bouger la main, se pencher, plier et étendre les membres, etc. Lorsque les trois facteurs sont présents, la vue juste (sammādiṭṭhi) et la pensée juste (sammā sankappa) peuvent émerger. Sayadaw U Paṇḍita traduit sammā sankappa par visée correcte, le fait de viser correctement l’objet.

Au début, on ne voit dans le soulèvement de l’abdomen qu’un mouvement d’une seule traite, mais par après, on distingue d’innombrables segments ou changements dans ce mouvement, comme des stades ou des couches successives. Un type de compréhension vient spontanément sans qu’on n’y pense. Comme on a souvent entendu parler de anicca, dukkha et anatta, cette compréhension nous revient. Si, alors que vous pratiquez la méditation assise, des pensées non sages, négatives et non apprivoisées apparaissent, liées aux plaisirs sensuels, les pensées positives ou justes ne pourront apparaître. À l’inverse, si vous notez correctement l’objet, saddhā, la confiance, va apparaître en vous. Celui qui prend confiance dans le Dhamma, commence à croire à son détenteur, le Buddha. Yo dhammaṃ passati, so maṃ passati (celui qui voit le Dhamma me voit). On commence aussi à croire au Sangha. On croit que s’ils sont devenus des êtres nobles, ils le doivent à leur pratique. Le Buddha encourage à pratiquer par soi-même (ehipassika) et à ne pas croire aveuglément.

Lorsque l’on observe l’abdomen de façon rapprochée, un type de ressenti va apparaître en nous: douleur, engoourdissement, raideur, etc. Il faut alors changer d’objet d’attention. La douleur vient inopinément et il faut la noter en visant l’objet, un peu comme aux fléchettes, c’est sammā sankappa. À la marche, on vise le pied, dès l’instant où il se détache du sol jusqu’à ce qu’il soit à nouveau posé.

La stance récitée au début est très utile. C’est aussi une belle opportunité d’entendre directement les paroles du Buddha. Si vous avez le temps, vous devriez l’apprendre par cœur. Ainsi, un bon ressenti vous reviendra en vous remémorant le sentiment de joie et de paix expérimenté durant cette retraite. L’étude des textes, c’est pariyatti, la théorie. À elle seule, elle offre une compréhension superficielle mais, jointe à la pratique, elle permet une compréhension du Dhamma en profondeur (gambhīra). Au plus on pratique, au mieux on comprend le Dhamma. L’observation du seul abdomen permet déjà cette compréhension profonde. En l’observant, on peut comprendre les quatre éléments, les cinq khandhā, et tous les types de dhammā, comme on peut les comprendre dans n’importe quel objet observé.

Les yogis ne peuvent peut-être pas encore sonder toute la profondeur de l’enseignement, telle que celle dont dispose les sotāpannā par exemple, mais, en tant que pratiquants, ils disposent d’une compréhension inaccessible aux non-méditants. Le Dhamma ne peut être expérimenté que par les sages dit le Buddha (paccataṃ veditabbo viññuhi). Il est difficile à percevoir (duddassa), subtil (paṇīta), ne peut être compris par la simple pensée (atakkāvacara) et ne peut être compris que par les sages (paṇḍitavedaniya). Si vous n’avez pas encore vu cela, revenez à Dhammaramsi. Peut-être vous dites-vous « je ne comprends pas telle partie de l’enseignement », mais lorsque vous reviendrez, vous disposerez déjà des bases de l’enseignement et ce sera plus facile. En revenant une troisième fois, la prise de note vous sera familière. Votre pratique progresse rapidement.

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