Prendre refuge en soi-même

Aujourd’hui, je veux encourager les yogis avec des paroles du Buddha, afin de les stimuler à pratiquer avec ardeur. Avant de mourir, le Buddha a rappelé aux bhikkhus de se fier au Dhamma. Quand les êtres cessent de pratiquer l’enseignement d’un Buddha, c’est-à-dire la moralité (sīla), la concentration (samādhi) et la sagesse (paññā), son message (sāsana) disparaît. Aujourd’hui, ce message est complet dans toutes ses 84.000 portions. Nous devrions nous estimer très chanceux et pratiquer son enseignement, surtout vipassanā, la seule pratique qui mène à la libération, comme l’indique le mahāsatipaṭṭhāna sutta (ekāyano ayaṃ, bhikkhave, maggo). En l’absence de l’enseignement d’un Buddha, les gens peuvent encore pratiquer sīla et samādhi, mais pa vipassanā, que seul un buddha parfaitement illuminé par lui-même (sammāsaṃbuddha) peut enseigner. Les buddhas solitaires (pacceka buddha), quant à eux, ont les mêmes qualités et la même compréhension qu’un sammāsaṃbuddha, mais ils ne peuvent enseigner.

À l’âge de 29 ans, le Buddha a renoncé au monde après avoir vu quatre signes: un vieillard, un malade, un cadavre et un renonçant. Il a pratiqué sous la guidance de maîtres dont l’enseignement présentait des lacunes avant de se rendre dans la forêt d’Uruvela pour trouver la voie par lui-même. Il a pratiqué six ans les austérités en déployant des efforts surhumains, n’ayant plus que la peau sur les os, avant de se rendre compte que la méthode n’était pas bonne. Il a modifié sa technique et a atteint son but. Dès qu’il est devenu un Buddha, il a enseigné sans relâche pendant les 45 dernières années de sa vie, enseignant de jour aux humains et de nuit aux devas, ne se reposant que deux heures par nuit.

Trouver la voie lui a pris du temps, mais nous devons seulement suivre la voie qu’il a trouvée. Le Buddha a déclaré: ehipassikaṃ opaneyyikaṃ. Il nous dit: « regarde, j’ai compris la nature du corps et de l’esprit. Toi aussi, tu peux comprendre si tu pratiques avec énergie et ardeur. Tu ne me crois pas? Essaie! Mais fais-le avec ardeur! ». Avant son parinibbāna, le Buddha a exhorté les moines en disant: appamādena sampādethā! (efforcez-vous d’y parvenir sans être négligents). Il répétait cette phrase trois fois par jour à ses moines, se souciant de leur libération. Les yogis devraient observer sīla, être attentifs à l’objet primaire (kāyānupassanā), ne pas oublier de noter les ressentis (vedanānupassanā), les états mentaux (cittānupassanā) et les dhamma (dhammānupassanā).

À l’âge de 80 ans, le Buddha rappela à Ānanda: tasmātihānanda, attadīpā viharatha attasaraṇā anaññasaraṇā, dhammadīpā dhammasaraṇā anaññasaraṇā (tu dois prendre refuge en toi-même, il n’y a pas d’autre refuge; tu dois prendre refuge en le Dhamma, il n’y a pas d’autre refuge). Nous aimerions nous fier à nos fils et nos filles, à nos amis ou encore à nos richesses. Mais si nous voulons comprendre le corps et l’esprit, les causes et les effets, nous devons effectuer le travail nous-même. C’est ce que nous faisons quand nous récitons « dhammaṃ saraṇaṃ gachāmi ».

Dans quel Dhamma prenons-nous refuge? Dans les quatre satipaṭṭhāna qui permettent de se libérer du saṃsāra, de la souffrance. Il faut être attentif tout au long de la journée, dès le réveil, dans les quatre postures. Nous serons fatigués, mais quand l’esprit sera posé et que nous serons capables de noter l’objet présent, nous nous sentirons reposés car nous n’aurons pas d’avidité, de colère, de pression, de lourdeur dans le corps ou l’esprit. Ceux-ci seront légers. Ce conseil du Buddha: « soyez votre propre île », paraît très simple, mais il est profond. Sans nous fier à nous-mêmes, nous n’avons aucune chance de comprendre l’esprit et la matière, les causes et les effets, etc. Le soulèvement de l’abdomen, le pas gauche et le pas droit, tout cela ressortit de la matière. L’esprit qui note, c’est l’esprit. Il n’y a rien en dehors de ces deux choses-là. Ce n’est pas une connaissance superficielle. On élimine ainsi le concept.

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